Survie

Libye : intox aux missiles

(mis en ligne le 5 septembre 2011) - Raphaël de Benito

Dans une dépêche AFP du 22 juin,
l’expert algérien Mohamed
Mokeddem, auteur notamment
de « La France et l’islamisme armé »
commente l’interception, le 12 avril, dans
le désert nigérien, de trafiquants d’armes
transportant 640 kg d’explosifs, du
Semtex tchèque : « Cela confirme que le
rôle des islamistes radicaux libyens n’est
pas seulement de lutter contre Kadhafi
mais aussi de canaliser l’acheminement
des missiles et des explosifs. Le but est
de revitaliser les réseaux d’armements
d’Aqmi
 ».

Selon les services de sécurité
nigériens, plusieurs combattants d’Aqmi
faisaient partie du convoi. Tiens donc !

Revoilà le scénario des terroristes d’Aqmi
détournant des missiles anti-aériens de
fabrication russe SAM-7 des arsenaux
libyens qui refait surface et qui « confirme
les pires craintes des services régionaux
et occidentaux de renseignements
 ».

L’AFP cite aussi un responsable de la lutte
anti-terroriste dans la région qui se confie :
« Il y a un très grand danger de voir Aqmi
devenir l’une des armées les plus fortes
du Sahel. Beaucoup d’armes sont tombées
entre les mains des terroristes, surtout des
missiles sol-air
 ». Mot pour mot ce que
déclarait déjà le président tchadien, Idriss
Déby, le 28 mars (Billets d’afrique n°201)
.
Une affirmation que l’auteur de la dépêche
reprend à son compte puisqu’il réussit la
prouesse de quantifier le nombre de ces
missiles anti-aériens a « des centaines ».

Pourtant dans la même dépêche, le
directeur du Centre français de recherche
sur le renseignement, Eric Dénécé, use
du conditionnel : « Des membres d’Aqmi
auraient acquis plusieurs exemplaires de
missiles sol-air portables de type SAM-7 auprès de trafiquants libyens
 » même
s’« il n’y a plus beaucoup de doutes »
en s’appuyant simplement sur ce que
disent les services maliens et algériens.

Le 3 juillet, un article du Figaro évoque
la possibilité, « peut-être », de missiles
récupérés pae Aqmi. S’il ne fait guère de
doute que le désordre régional soit encore
plus propice aux trafics qui ont toujours
existé dans la zone, les informations
concernant les SAM-7 sont à prendre
avec des pincettes. Surtout quand elles
sont relayées par les milieux sécuritaires
algériens ou tchadiens qui redoutent par
dessus tout une contagion des révoltes
populaires chez eux.

À ce stade, on se dit aussi que le gouvernement français est inconscient
puisqu’il organise en catimini des livrai­sons d’armes aux rebelles libyens dont
certains sont au mieux des « trafiquants »,
au pire des « islamistes radicaux »....
Des armes légères comme le prétend
le ministère de la Défense mais aussi
des lance-roquettes, des fusils d’assaut,
des mitrailleuses et surtout des missiles
antichars Milan si l’on en croit Le Figaro
qui a révélé les parachutages aux rebelles
libyens.

Une source officieuse proche du
dossier précise même que « la France a
fait passer quarante tonnes d’armes, en
particulier quelques chars légers
 » (AFP,
29 juin). Plusieurs semaines auparavant,
la Lettre du Continent signalait déjà une
livraison d’armes via le Niger dont une
partie a été détournée pendant le transport.
Pas par des terroristes islamistes tout de
même ?

A moins que, minutieusement, on ne
construise un ennemi dont la puissance
supposée, « l’une des armées les plus
fortes de la région
 » avec ces centaines de
missiles et des armes sophistiquées, nous
« oblige » à militariser encore davantage
le Sahara.

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 204 - Juillet Août 2011
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