Survie

Kagamé à Paris, une visite sous haute surveillance

(mis en ligne le 1er novembre 2011) - Raphaël de Benito

Nul doute que Nicolas
Sarkozy et le président
rwandais, Paul Kagamé, en
voyage officiel à Paris ce
mois de septembre seront
scrutés et leurs déclarations
décortiquées dix-sept ans
après le génocide des Tutsi
rwandais

Alors qu’Alain Juppé, accusé de
complicités avec les génocidaires
lors de son premierr passage au Quai
d’Orsay sera aux abonnés absents, en voyage
dans le Pacifique, il y a un sujet très sensible de
nature à plomber l’ambiance.

Celui de la présence sur le territoire français
d’au moins vingt-un présumés génocidaires.
Vingt-un cas, dont Agathe Habyarimana,
fortement soupçonnée d’être une des têtes
pensantes du génocide, qui vivent en toute
impunité malgré les plaintes déposées depuis
1994. D’après l’ambassadeur de France
à Kigali, cette visite est l’occasion de « la
consolidation des relations entre les deux
pays notamment par la levée des obstacles à
la source des discordes
 ».

Sauf que la justice
française ne se presse guère ce qui irrite Kigali.
Ce n’est qu’à la mi-août de cette année que des
gendarmes français se sont rendus au Rwanda
pour mener des enquêtes sur des Rwandais
vivant en France et soupçonnés d’avoir joué
un rôle dans le génocide des Tutsi de 1994.
Autre exemple : la création du pôle
« Génocides et crimes contre l’humanité »
au TGI de Paris avait pourtant été créé, en
janvier 2010, dans le cadre du rapprochement
franco-rwandais. Bernard Kouchner et
Michèle Alliot-Marie alors ministre des
Affaires étrangères et ministre de la Justice
avaient même signé une tribune dans Le
Monde se réjouissant que ce pôle « favorise la
mutualisation des compétences, en réunissant
des magistrats spécialisés, ainsi que les
traducteurs, interprètes, experts et chercheurs
indispensables au traitement d’affaires
aussi sensibles que complexes
 ». Comme on
pouvait le craindre il n’est toujours pas en
activité en septembre 2011. Une lenteur qui
contraste avec la diligence constatée dans
d’autres pays comme la Finlande,le Canada,
la Belgique, la Suède, l’Allemagne ou les
Pays-Bas, que certains dossiers sont assez
complets pour que des mises en examen
soient prononcées, ouvrant ainsi la voie à
des procès.

Un si bon docteur

C’est le 27 septembre 2011, à 14 heures, que
se tiendra, au palais de justice de Bordeaux,
le procès intenté par le docteur Sosthène
Munyemana contre l’association Cauri et
trois membres du Collectif girondin pour
le Rwanda pour « atteinte à la présomption
d’innocence
 ». Rappelons que Sosthène
Munyemana, condamné au Rwanda pour
participation au génocide, est l’objet d’une
plainte en France pour le même crime.

Celle-ci court depuis seize ans, toujours
active, sans avoir jamais abouti à un procès.
Cette situation, loin d’être un cas isolé, est
similaire à celle d’autres Rwandais accusés
d’avoir participé au génocide qui vivent en
France. Notre justice paraît dans ce domaine
complètement paralysée. A Bordeaux ce sont
des rescapés qui vont comparaître devant les
tribunaux, avant leurs présumés bourreaux,
avec les militants de la société civile qui ont
voulu dénoncer les lenteurs de la procédure.
L’État a soutenu, au-delà de l’imaginable,
ceux qui commettaient ce génocide.
Aujourd’hui ceux qui se battent pour une
justice digne de ce nom sont attaqués... Il est
possible de les soutenir, par la présence au
procès ou en signant la pétition sur le blog
http://asso-cauri33.over-blog.com

Le CPCR (Collectif des parties civiles pour
le Rwanda) vient de déposer une nouvelle
plainte à l’encontre de Manassé Bigwenzare.
Domicilié à Bouffémont dans le Val-d’Oise,
il était, en 1994, président du Tribunal de
canton dans la commune de Murambi (ex-
préfecture de Byumba). Il lui est reproché
d’avoir planifié et organisé le génocide
des Tutsi dans la région de Murambi, en
compagnie notamment de Jean-Baptiste
Gatete, lui-même condamné à la prison à vie
par le TPIR le 29 mars dernier. Il lui est aussi
reproché d’avoir participé aux massacres de
la paroisse et de l’hôpital de Kiziguro le 11
avril 1994, et d’avoir livré à la mort deux
de ses proches à la barrière de Kwangire.
Cette nouvelle plainte porte à vingt et un le
nombre des présumés génocidaires rwandais
poursuivis par la justice française.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 205 - septembre 2011
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