Survie

Rwanda, boulet moral pour Juppé

(mis en ligne le 6 octobre 2011) - Billets d’Afrique et d’ailleurs...

Alain Juppé reprochant à Bernard-Henri Lévy, dans l’avion pré­
sidentiel de retour du voyage
officiel en Libye : « Vous avez dit que j’étais
complice des génocidaires du Rwanda. Alors,
que sortant d’une réunion des ministres
européens en 1994, j’avais déclaré que
c’était un génocide
 » L’argument est court,
très court pour sa défense.

Un argument déjà
utilisé lors de son audition devant la mission
d’information parlementaire de 1998, devant
laquelle il avait expliqué avoir utilisé le mot
de « génocide », le 15 mai 1994, à l’issue
de la réunion à Bruxelles du Conseil des
ministres de l’Union européenne.

Une déclaration qui intervenait dix jours
après celle du Secrétaire général de l’Onu,
Boutros Boutros Ghali et alors, qu’à cette
date, la majeure partie du génocide avait déjà
eu lieu. Prise de conscience tardive ? Bien
que sûr que non puisque le gouvernement
français avait été alerté de longue date sur le
génocide qui se préparait et qu’il n’ignorait
rien des massacres en cours depuis le 7 avril.

Pis, en plein génocide, le 27 avril 1994,
Jérô­me Bicamumpaka, ministre des Affaires
étrangères du gouvernement intérimaire qui
est en train de commettre le génocide, et
Jean-Bosco Barayagwiza, extrémiste de la
Coalition pour la défense de la République
(CDR), étaient reçus à Paris, et par l’Élysée
et par Alain Juppé, ministre des Affaires
étrangères du gouvernement Balladur.

Le gouvernement français, par la voix de
Juppé, attend donc le 15 mai pour qualifier
l’extermination des Tutsi rwandais de
génocide. Jusque-là, Paris feignait de ne voir
au Rwanda, qu’une banale guerre civile.
Mais il faut sûrement comprendre ce réveil
tardif par les succès militaires de l’offensive
du FPR de Paul Kagamé. Car parler enfin de
« génocide » sur le plan diplomatique ouvrait
la voie légale d’une intervention militaire
de l’Onu.

Devant les difficultés à mettre
sur pied une Minuar 2, c’est l’opération
Tur­quoise menée par l’armée française
qui la remplaça et débarqua au Rwanda, le
22 juin. Officiellement neutre, Turquoise a
permis officieusement de couvrir la fuite de
centaines de génocidaires vers le Zaïre dont le
président Théodore Sindikubwabo et... Jérôme
Bicamumpaka, reçu deux mois plus tôt par
Juppé.

Et, alors que Kagamé était en visite
officielle à Paris, Juppé, depuis Pékin, déclarait
qu’il ne changerait pas ses « convictions » au
sujet du génodice. « Je suis très décontracté
(...) » ajoutait-il. Au regard de l’Histoire, il n’y
pourtant pas de quoi.

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 206 - octobre 2011
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