L’ex-gendarme du GIGN, Paul Barril, a été omniprésent dans le dossier rwandais. D’après Patrick de Saint-Exupéry, « il est le pivot d’une toile d’araignée entre l’Elysée de Mitterrand et les extrémistes qui commettront le génocide ».
Depuis 1989, Paul Barril travaillait pour la sécurité du président Habyarimana. A la veille du 6 avril 1994, il est aperçu à Kigali, sur le tarmac de l’aéroport puis au Burundi ; durant le génocide il sera encore au Rwanda. Le 28 mai 1994, en plein embargo décrété par l’ONU, il signe à Paris un contrat de formation et de livraison de munitions avec le gouvernement génocidaire. Les autorités françaises sont parfaitement au courant, comme en attestent plusieurs documents.
C’est encore Barril qui exhibe, en juin 1994, la prétendue boîte du Falcon 50 abattu qui se révéle être un simple coupleur d’antennes. Deux ans plus tard, en 1996, c’est lui qui assure avoir récupéré les deux tubes lance-missiles ayant servi à l’attentat.
Barril a été aussi omniprésent dans l’instruction Bruguière en l’orientant à sa guise. A l’origine, c’est la famille Habyarimana qui souhaitait, la première, se constituer partie civile. Elle était défendue par Me Hélène Clamagirand, avocate de l’ancien attaché militaire rwandais à Paris Sébastien Ntahobari et surtout de Paul Barril. Or, cette demande avait été rejetée par la justice française car Madame Habyarimana n’était pas française. Barril pousse donc, Sylvie Minaberry, médecin militaire et fille du copilote du Falcon, à déposer une plainte en 1997 alors que les familles de l’équipage français en avaient été dissuadées trois ans plus tôt par les autorités françaises. Mme Minaberry choisit pour conseil Me Clamagirand. Un an plus tard, en mars 1998, l’ex-capitaine de gendarmerie prétexte l’ouverture de l’instruction Bruguière pour ne pas se présenter devant les auditeurs de la mission d’information parlementaire et réserver ses déclarations à la justice.
Pendant l’instruction, Barril donne le ton au cours d’auditions très conciliantes en désignant formellement Paul Kagame grâce à son infiltration des réseaux FPR en Europe et en Afrique au début des années 90. Parmi les premières pièces versées à la procédure, il y a une série de témoignages qui sont, en fait, les témoignages de la famille Habyarimana. Barril désigne deux postes de tirs des missiles grâce à son « enquête » appuyée sur 80 témoignages. Le « consultant en sécurité » ne produit pourtant jamais ces « preuves » et se contredit à plusieurs reprises notamment au sujet des tubes des lance-missiles que finalement il n’aurait jamais vus.
Mais surtout, c’est lui qui présente à Pierre Payebien, l’enquêteur principal de Bruguière, le traducteur Fabien Singaye, ex-barbouze rwandaise du régime Haby arimana. Barril n’a encore jamais été mis face à ses contradictions et a « enfumé », selon le mot de la journaliste belge Colette Braeckman, une instruction servant de leurre. Après avoir mis au clair les circonstances techniques et l’environnement de l’attentat, l’étape suivante de l’instruction du juge Trévidic est logiquement d’identifier les auteurs et les commanditaires de l’attentat.
Immanquablement, Paul Barril reviendra sur le devant de la scène judiciaire et devra répondre à plusieurs questions capitales que le juge Bruguière ne lui a jamais posées : où était-il le 6 avril 1994 au soir ? Dans quel contexte précis est-il allé récupérer de sa propre initiative, comme il l’affirme, des pièces à conviction qu’il aurait retrouvées à l’aéroport ? Et a-t-il des compétences particulières pour former à l’utilisation d’engins aussi sophistiqués que les missiles Sam-16 ?