Survie

RDC : l ’Agence française de développement et le barrage d’Inga III

rédigé le 4 avril 2012 (mis en ligne le 4 juin 2012) - SP

Les grands projets autour des barrages d’Inga se précisent. Début mars, l’Agence française de développement, la Banque mondiale et la Banque africaine de Développement ont confirmé leur soutien au projet du barrage d’Inga III.

Une mission d’experts, pilotée par la Banque africaine de développement précisera ulté­rieurement la part de chaque bailleur de fonds à ce projet. D’une puissance prévue de 2000 à 7000 MW, Inga III devrait compléter le dispositif déjà existant (Inga I et II). Les barrages d’Inga I (entré en fonction en 1972) et Inga II (qui fonctionne depuis 1982), d’une capacité respective de 351 MW et 1424 MW, sont sous-utilisés (envi­ ron 20 % de leurs capacités) faute d’entretien. Un méga-barrage, Grand Inga, devrait compléter ce dispositif.

Lors du sommet de Cannes en novembre 2011, le G20 avait fait de Grand Inga un des projets phares de son agenda développement. Ce géant qui aurait une capacité de près de 40 000 mégawatts (MW), soit plus du double de l’énergie générée par le barrage des Trois-Gorges en Chine et plus du tiers de l’énergie actuellement produite en Afrique, sera une réalité à l’horizon 2025. En effet, le 12 novembre 2011, les présidents Kabila et Zuma ont signé un protocole d’accord pour la construction du barrage de Grand Inga.

Parallèlement, la Société nationale d’électricité (SNEL) vient de signer deux contrats avec deux sociétés indiennes (Kala­pataru et KEC International) pour la réhabilitation des lignes aériennes Inga-Kolwesi et Nseke-Kolwesi-Kasum­balesa.

Ces lignes, rénovées et doublées d’un réseau de fibre optique pour la transmission de données sur les transactions énergétiques, doivent alimenter les opérateurs miniers de la zone et compléter le corridor d’exportation d’énergie inclus dans le projet de marché d’électricité en Afrique Australe.

Une électricité qui n’éclairera pas les africains

La question de la production et de la distribution de l’énergie et de la création d’un marché régional de l’énergie en Afrique semble être centrale pour les institutions financières internationales et les acteurs privés qui portent plusieurs initiatives simultanées. Si l’idée avancée est de répondre aux besoins d’un continent sous-électrifié (le taux moyen varie de 3 à 40 % hors Afrique du Sud) où la demande croit de 8 % par an, on peut néanmoins s’inquiéter des effets de ces mégaprojets et du modèle de développement qui les porte (orienté sur la réponse aux besoins des opérateurs économiques privés).

Derrière les effets d’annonce, on se doit d’être inquiets. Si, pour la BAD, l’électricité représente 45 % du potentiel de production énergétique pour l’Afrique (dont seuls 4 % sont actuellement utilisés), et si les investisseurs se ruent sur ces projets, c’est d’abord pour bénéficier d’une énergie abondante et bon marché. La satisfaction des besoins des Congolais, pourtant sous-desservis avec un taux de 9 % de desserte, n’est pas une priorité.

Les besoins financiers pour l’électrification locale ne sont pas inclus au budget de ces projets et pour le moment seules des lignes d’exportations longue distance sont prévues (pour des clients tels que l’Afrique du Sud, le Botswana, la Namibie et l’Egypte).

L’Afrique sous-tension

Avec Grand Inga, l’intérêt des bailleurs internationaux et des investisseurs privés se confirme pour les ressources électriques et il semble que l’on se dirige vers la création d’un marché global de l’électricité en Afrique. Le développement des quatre pools énergétiques d’Afrique subsaharienne (le SAPP-Southern Africa Power Pool, le WAPP-West Africa Power Pool, le PEAC-Pool Énergétique de l’Afrique Centrale et l’EAPP -Eastern Africa Power Pool) et leur interconnexion permettront la création d’un marché transrégional africain qui s’appuiera sur un potentiel de production annuelle de 1,4 million de GWh/an qui n’est pour le moment exploité qu’à 7 % de sa capacité. L’immense réseau hydraulique africain forme donc une ressource considérable qui aiguise les appétits d’investisseurs.

Au-delà du fait que les besoins des populations ne feront sans doute pas le poids face à la demande en électricité des industries extractives locales ou des marchés voisins (comme l’Afrique du Nord ou l’Europe), les risques que font peser ces projets de développement titanesques sont sérieux (déplacements de populations, destruction des écosystèmes fluviaux mais aussi corruption liée à l’opacité des contrats, etc.) et appellent à une vigilance accrue.

Visiblement l’AFD n’est pas toujours consciente des impacts négatifs des grands barrages à en juger par son soutien au projet d’Inga III qui nuira bien plus aux populations locales qu’il ne répondra à leurs besoins.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 212 - avril 2012
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