Survie

Djibouti : la démocratie en deuil

rédigé le 10 mai 2012 (mis en ligne le 2 juillet 2012) - Laurence Dawidowicz

Depuis plusieurs années
de nombreuses alertes
ont été lancées auprès de
nos lecteurs dans Billets
d’Afrique pour appeler à
la libération de Jean-Paul
Noel Abdi et alerter l’opinion
française sur la répression
s’abattant sur l’opposition et
sur les défenseurs des Droits
de l’homme à Djibouti.

Bien
avant
l’indépendance
(obtenue en 1977), Jean-Paul
Noel Abdi s’était engagé dans
le mouvement indépendantiste, au sein
de la Ligue popu­laire Africaine pour
l’indépendance (LPAI). Il avait ensuite
été élu député lors de la première
législature du 8 mai 1977 et réélu à trois
reprises, jusqu’en 1997, date à laquelle
il avait rompu avec fracas ayant perdu
toute confiance dans son gouvernement.
D’ailleurs dès 1996, il avait cofondé
un groupe d’opposition à l’Assemblée
nationale djiboutienne.

Plus tard, en 1999, en pleine période de
guerre civile, il a créé la Ligue djiboutienne
des Droits de l’homme (LDDH) dont
il devint le président, rattachée à la
Fédération internationale des Droits
de l’homme. Dès sa prise de fonction
il fut victime d’une grenade lancée par
les agents du nouveau régime d’Ismaël
Omar Guelleh car il avait dénoncé des
exécutions et autres sévices à l’encontre de
victimes civiles à Meldeho. Un acte lâche
qui, loin de le décourager, a fait l’effet
inverse. Ainsi, il réussit à convaincre les
instances parlementaires européennes
de la répression et dénonça avec force
l’emprisonnement, le 23 septembre 1999,
du candidat de l’Opposition djiboutienne
unifiée, Moussa Ahmed Idriss et de
plusieurs membres de sa famille.

Jean-Paul Noel Abdi s’est constamment
battu pour la liberté et la démocratie en
république de Djibouti où n’existent
qu’une seule radiotélévision gouver­ne­mentale, qu’un seul journal gouver­nemental, qu’un seul parti UMP, à
l’Assemblée nationale et aux « conseils
régionaux
 »,
qu’un
seul
syndicat
gouvernemental.

Il dénonçait la corruption, les arrestations
et incarcérations arbitraires, la torture en
citant avec grande précision les noms des
victimes comme des tortionnaires, les
dates et lieux des exactions, précisait les
responsabilités des plus hautes autorités
du pays. Il visitait les prisonniers
politiques et se battait pour qu’ils soient
jugés et non détenus « provisoirement »
pendant des années.

Ses derniers combats ont eu pour
objet d’obtenir la libération des
opposants politiques et des journalistes
d’opposition (notamment Farah Abadid
Hildid et Saîd Houssein Robleh) mais
aussi pour réclamer la libération du juge
Mohamed Cheick Souleiman, incarcéré
pour avoir prononcé des non-lieux au
bénéfice de manifestants arrêtés lors de
manifestation contre la candidature du
président de la République IOG pour un
troisième mandat, violant la constitution
(Jean-Paul avait accueilli et guidé une
mission d’Avocats sans frontières venue
le soutenir).

Cela lui avait valu un harcèlement
judicaire quotidien et de multiples
incarcérations mais il refusait de
renoncer à ses activités de défense des
droits humains.Plusieurs fois, les appuis
des organisations internationales dont
il était membre comme la Fédération
internationale des Droits humains,
l’Observatoire
des
Défenseurs
des Droits de l’homme, l’Union
interafricaine des Droits de l’homme,
avaient soutenu les alertes de nos
réseaux pour obtenir sa libération. Son
avocat, Maître Tubiana a plusieurs
fois été empêché d’aller plaider lors
de ses procès.

Nos pressions ainsi que celles
de l’Association pour le Respect
des Droits de l’homme à Djibouti
s’adressaient aussi au gouvernement
français, soutien du pouvoir en place
à Djibouti, sans rupture ni état d’âme.

Notre vigilance restera en éveil mais
Jean-Paul Noel Abdi n’est plus, il s’est
éteint des suites d’une grave maladie.
Les hommages de toute l’opposition
politique appellent à poursuivre la
lutte pour rester digne de lui.

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 213 - mai 2012
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