Survie

Paul Quilès nous écrit

rédigé le 9 mai 2012 (mis en ligne le 3 juillet 2012) - Billets d’Afrique et d’ailleurs...

L’ancien directeur de
campagne de François
Mitterrand, ministre de
la Défense (1985 – 1986)
ministre de l’Intérieur (1992
– 1993) et président de
la mission parlementaire
d’information sur le Rwanda
en 1998 nous adresse ce
droit de réponse.

Je connais vos positions concernant
le génocide du Rwanda et je n’ai
pas la prétention de vous faire
changer d’avis. Par contre, certaines
déformations de l’Histoire que vous
pratiquez ne contribuent pas à renforcer
vos arguments. C’est ainsi que je lis
dans le Billet [ndlr n°212, avril 2012,
« Dix-huit ans après le génocide, la
France toujours complice »
] :

« Peut-on
alors croire que Barril est un mercenaire
qui travaille pour son propre compte ?
N’est-il pas plutôt un « corsaire de la
République », avec lettres de marque
signées des plus hautes autorités ?
Est-ce pour cela qu’il est intervenu en
permanence dans l’enquête sur l’attentat
du 6 avril 1994 ? Est-ce la raison pour
laquelle Paul Quilès a soigneusement
évité de le convoquer devant la Mission
d’information
parlementaire
qu’il
présidait en 1998 ?
 »

Afin de vous éviter de répéter un
mensonge -ce qui n’en fera pas une
vérité- voici les faits, que vous devriez
connaître, car ce n’est pas la première
fois que j’en parle.

J’ai écrit à Barril le 8 septembre 1998
pour lui demander la « boîte noire » et
les photos satellite de la frontière entre
le Rwanda et l’Ouganda montrant des
camions pénétrant au Rwanda par la
force, qu’il s’était vanté de détenir à
la télévision (le 28 juin 1994). Je n’ai
rien obtenu de sa part....

Je l’ai relancé
le 2 décembre 1998 en le convoquant
(en application de l’article 5 bis de
l’ordonnance 58-1100 du 17 novembre
1958) pour être auditionné par la Mission
le mercredi 9 décembre, notamment au
sujet d’un contrat avec le gouvernement
rwandais, dont il aurait été bénéficiaire
pour un montant de 1,2 million de dollars.
Il m’a répondu le 7 décembre qu’il était
aux Etats-Unis et qu’il ne pouvait pas
venir, ajoutant quelques remarques peu
aimables en direction de la Mission !

Vous trouverez les détails concernant
les « activités » de Barril, telles qu’elles
sont consignées dans le rapport de la
mission parlementaire, qui est public
.Comme vous pourrez le constater,
non seulement Barril a été convoqué mais
il n’a pas été l’objet d’une quelconque
sollicitude de notre part.

Dont acte. Nous avons eu tort d’affirmer
que Quilès a « soigneusement évité de
le convoquer
 ». Il est à noter cependant
que Paul Barril n’a été convoqué qu’in
extremis
devant la Mission parlementaire,
dans des délais qui font douter d’une réelle
volonté d’exploiter les informations
qu’auraient pu apporter Barril : celui-ci
fut convoqué le 2 décembre 1998 pour
être entendu le 9, alors que la Mission
rendait public son rapport le 15...

Par
ailleurs, les responsables politiques de
l’époque avaient volontairement fait
le choix de ne réaliser qu’une simple
Mission d’information parlementaire,
plutôt qu’une Commission d’enquête
parlementaire où toute personne est alors
obligée de déférer à une convocation. Il
n’en demeure pas moins extravagant que
Paul Barril n’ait pas été interrogé.

Le chercheur Gérard Prunier avait
pourtant écrit dès 1995 dans son
ouvrage The Rwanda Crisis. History
of a Genocide, traduit en français à
la fin de l’année 1997 : « [...] on peut
supposer que Paul Barril connaît les
hommes qui ont abattu l’avion et leurs
commanditaires
 ».

Le journaliste Patrick de Saint-Exupéry,
pour sa part, écrivait dans Le Figaro du
31 mars 1998 : « Quel rôle joue donc le
capitaine Barril ? Comment expliquer
qu’un simple citoyen puisse se targuer
d’avoir « mis une tête à prix » [celle
de Paul Kagame] ? Comment se fait-
il qu’un des « proches » du capitaine
Barril puisse être soupçonné d’avoir
tenté de se procurer deux missiles ? Et
si cela était avéré, à quelles fins ? Sur
instruction de qui ? Dans quel intérêt ?
... Toutes questions sur lesquelles la
mission d’information parlementaire
devra bien se pencher.
 » Ce qu’elle
ne fit pas, se contentant de reproduire
les éléments d’information apportés
par Patrick de Saint-Exupéry, sans
commentaire et avec le conditionnel
de rigueur.

Mieux valait prétendre que
Barril était un « clown », comme M.
Quilès l’a dit à deux adhérents de Survie
lors d’un colloque à Strasbourg les 20 et
21 novembre 1998.

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 213 - mai 2012
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