Survie

Les îles Eparses, un trésor bien gardé

rédigé le 1er juin 2012 (mis en ligne le 4 septembre 2012) - Raphaël de Benito

La France, avec ses
départements d’outre-mer et
ses collectivités territoriales
aux quatres coins du monde,
possède la seconde plus
grande zone économique
exclusive du monde (ZEE).
Un atout considérable
puisqu’elle exerce des
droits souverains en matière
d’exploration et d’usage des
ressources. Mais respecte-t-
elle la légalité internationale ?

La France, « État ultra-marin », dispose
donc d’un patrimoine maritime
conséquent avec plus de 11 millions
de km2 (dont près de 9 millions hors UE). Un
patrimoine au fort potentiel économique alors
que les avancées technologiques, la demande
toujours croissante en hydrocarbures et
l’augmentation du prix du baril de pétrole,
permettent désormais l’exploitation en
eaux profondes.

La France cherche donc à
faire l’inventaire de ses réserves en Guyane
mais aussi à Saint-Pierre et Miquelon, en
Martinique, à Wallis et Futuna ou dans le
canal du Mozambique, où elle possède les
îles Eparses.

Depuis une dizaine d’année, les
permis d’exploration se multiplient tandis
qu’en avril 2010, le gouvernement français
annonçait un ambitieux plan d’action visant
à sécuriser l’accès de la France aux matières
premières minérales rares. Ce plan s’appuyait
notamment sur l’expertise scientifique et les
compétences technologiques en matière de
grands fonds sous-marins ou d’exploitation
minière de l’Ifremer et le BRGM (Bureau
des recherches géologiques et minières)
pour les établissements publics, de Technip,
d’Areva et d’Eramet, pour les industriels.

Les
enjeux économiques sont donc colossaux ;
Nicole Bricq, fugace ministre de l’Ecologie
du gouvernement Ayrault en a d’ailleurs fait
les frais en gelant les permis d’explorations
pétrolières au large de la Guyane française.
Son éviction fut brutale sous la pression des
pétroliers. Elle n’est n’est pas sans rappeler
celle de Jean-Marie Bockel du Secrétariat
d’Etat à la Coopération après qu’il a voulu
« signer l’acte de décès de la Françafrique »
en 2008.

Dans l’océan Indien, les ZEE françaises
sont insulaires et pour certaines pas
stabilisées. Si les limites territoriales de
ZEE entre la Réunion et l’île Maurice et
celles entre les Glorieuses et les Seychelles
ont été arrêtées par des conventions
signées en 1980 et 2001, les autres
limites n’ont pas fait l’objet d’accords
formalisés avec leurs voisins.

C’est le
cas de Madagascar avec les îles Eparses
dans le canal du Mozambique depuis la
décision du président Charles de Gaulle,
par décret du 1er avril 1960, de rattacher
ces territoires au ministère de l’Outre-mer
et ainsi de les détacher du gouvernorat
de Madagascar à la veille du référendum
d’indépendance de la grande île.

Jusqu’à présent, les seuls enjeux
économiques dans la zone se limitaient
à la pêche ; ils sont désormais de
tout autre nature avec la découverte
d’immenses champs gaziers et pétroliers.
Les multinationales forent désormais dans
l’Océan indien à plus de trois kilomètres
sous le niveau de la mer, et depuis 2011
les découvertes s’enchaînent, la dernière
annoncée fin juin par le groupe américain
Anadarko.

L’Eldorado des mers du sud

La quantité de gaz potentiellement
exploitable dans cette zone, allant du sud
du Kenya au Mozambique, et englobant
Madagascar et les Seychelles, est évaluée
à 12 500 milliards de mètres cube par
une étude du gouvernement américain
(USGS) parue en avril : « Les découvertes
effectuées au large du Mozambique et de
la Tanzanie sont énormes et d’envergure
mondiale, avec la possibilité qu’on trouve
encore davantage, y compris du pétrole
 »,
explique Duncan Clarke, de Global Pacific,
un consultant basé à Johannesburg cité
par l’AFP.

Il est évident que la position
géographique des îles Eparses au cœur de
ce bassin énergétique devient stratégique,
l’exploration dans la ZEE de Juan de
Nova (une des îles Eparses) datant déjà
de 2008.

Pour le moment, les revendications
territoriales malgaches (elles datent de
1973, l’année où débute l’évacuation des
bases navales françaises, dont Diégo-
Suarez) sur ces îles minuscules sont
discrètes voire inexistantes. Résultat
sans doute de la proximité du putschiste
Rajoelina soutenu par le gouvernement
français après son coup d’Etat de 2009.

Elles n’ont jamais été très virulentes
même depuis que la France a décrété
unilatéralement une ZEE autour des Iles
Eparses en 1977. Or celle-ci se superpose
à la ZEE malgache (Billets d’Afrique
n°214, juin 2012) ce qui laisse présager
d’un sérieux contentieux si d’aventure
les Malgaches se décidaient vraiment à
récupérer ces îlots perdus maintenant que
des gisements énergétiques considérables
ont été découverts.

Or « le Gouvernement
de Paris n’acceptera pas, en d’autres
termes, que le différend territorial qui
l’oppose officiellement depuis 1972 à
Madagascar à propos des îles Glorieuses,
Juan de Nova, Europa et Bassas da India
– désormais nommément rattachées aux
Terres australes et antarctiques françaises
en vertu de la loi ordinaire du 21 février
2007 – soit tranché par une quelconque
instance juridictionnelle internationale
 »
(Revue Juridique de l’Océan Indien
 RJOI n°11. Année 2010, cité par le
blogueur Patrick Rakotomalala).

Coïncidence ou pas, la coopération
militaire franco-malgache connaît un
renouveau depuis novembre 2011 avec
la visite d’une délégation de militaires
français conduite par le général de
brigade Hogard, commandant les Forces
armées de la zone sud de l’océan Indien
(FAZSOI). Une embellie marquée par
la rencontre à Paris entre le président
de la haute autorité de transition,
Andry Rajoelina et Nicolas Sarkozy fin
2011.

Après quatre ans de coopération
militaire discrète dans l’océan Indien
entre la France et Madagascar, celle-ci
est devenue plus visible début 2012.
Un millier de militaires malgaches
devraient être formés par la France
cette année tandis que des unités de
l’armée française s’entraînent au tir sur
un terrain mis à disposition par l’armée
malgache.

Du 3 au 9 juin, dans la région
d’Antsiranana (Diégo-Suarez) au nord
de Madagascar, les deux armées ont
même conduit un exercice interarmées
(La Buse 2012) dans le cadre de la lutte
contre la piraterie au large des côtes
malgaches.

a lire aussi