Survie

Les athlètes francophones filent à l’anglaise

rédigé le 3 septembre 2012 (mis en ligne le 19 septembre 2012) - Odile Tobner

Le classement olympique reflétant la prééminence des pays les plus développés
sur le plan économique, il était peu probable que les nations africaines trustent les
premières places aux jeux de Londres.

On pouvait légitimement s’attendre en revanche à ce que les pays francophones
d’Afrique subsaharienne surclassent les autres nations africaines, celles-ci
n’ayant pas eu la chance de bénéficier depuis soixante ans de tous les avantages
tant vantés par les défenseurs de la Françafrique : une souveraineté gentiment
octroyée par Paris, la stabilité politique protégée par des accords de défense
et des bases militaires, sans parler de l’appartenance à une zone monétaire
qui les contraint à reverser à la Banque de France la majeure partie de leurs
réserves monétaires, et dont la seule justification serait la garantie d’un meilleur
développement.

Surprise : ce sont des pays qui, loin de bénéficier de ces avantages, ont obtenu
de haute lutte une souveraineté pleine et entière, tels l’Ethiopie et le Kenya,
qui sortent grands vainqueurs de ce classement. Au tableau d’honneur de la
Françafrique olympique, on ne trouve qu’une médaille d’argent en taekwondo,
gagnée par un ancien élève gabonais de l’INSEP licencié de la Fédération
française. Rien de comparable aux succès remportés, par exemple, par des
athlètes kenyans formés par le Kenya. Si on y ajoute les succès de l’Afrique du
Sud, de la Jamaïque et la victoire ougandaise lors de l’épreuve du marathon, si
symbolique de l’olympisme, il s’avère une fois de plus que la Françafrique n’est
à aucun point de vue propice à l’épanouissement des Africains.

Mais nous sommes injustes : les Bantoustans francophones se sont
particulièrement distingués par le nombre d’athlètes à avoir profité de ces
jeux pour les fuir : deux athlètes et un entraîneur ivoiriens – les ingrats ! Alors
que nous venons de les libérer à grands frais du méchant Gbagbo ! – quatre
membres de l’équipe de RDC, dont trois entraîneurs, trois des quatre athlètes
guinéens sélectionnés et huit athlètes camerounais ont choisi la liberté.
Une fois encore, le Cameroun de Biya se distingue dans le pire, d’autant que ce
sont en réalité une dizaine de membres de l’équipe olympique camerounaise
qui auraient filé à l’anglaise, dont l’attachée de presse et d’autres cadres
de la délégation. L’an passé déjà, deux athlètes camerounais âgés de seize
ans avaient profité de leur participation aux Jeux du Commonwealth pour
s’enfuir.

Fait remarquable, loin de condamner ces fuites, l’opinion camerounaise les
approuve. Jusqu’au président du Comité national olympique et sportif du
Cameroun, Kalkaba Malboum, qui les justifie par l’absence de conditions de vie
décentes. Cette explication a été confirmée par l’un des transfuges : interrogé par
la BBC, le nageur Paul Ekane Edingué a confessé devoir s’entraîner seul, dans
une piscine de quinze mètres. Pendant ce temps le président de la République
camerounaise possède pour son usage personnel un superbe terrain de golf de
18 trous à Mvomeka, son village natal au cœur de la forêt.

En France, les rares médias à avoir fait état de ces fuites ont invoqué des motifs
économiques, sans expliquer pourquoi de tels motifs pousseraient à fuir un
pays regorgeant de ressources naturelles, protégé par la France et dirigé par un
président démocratiquement élu, à en croire le Quai d’Orsay.

A la différence des auditeurs de la BBC, les citoyens français auront encore
perdu une occasion de connaître la réalité de la Françafrique.

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 216 - septembre 2012
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