Survie

Mayotte : Valls m’a tuer !

rédigé le 3 septembre 2012 (mis en ligne le 2 novembre 2012) - Raphaël de Benito

« C’est avec une profonde tristesse que Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, et Victorin Lurel, ministre des Outre-mer, ont appris le décès d’un nourrisson de deux mois » au centre de rétention administrative de Mayotte.

Dans son communiqué du 16 août, le gouvernement rappelle que la mère et l’enfant y avaient été admis (!) dans la nuit, après que la Marine nationale avait repéré une embarcation venant des Comores.

Les deux ministères « souhaitent préciser les circonstances de cette tragédie, dont les causes exactes restent encore à déterminer ». Le cynisme le dispute à l’hypocrisie puisque Mayotte n’est pas régie par le droit commun en matière de droit des étrangers.

La circulaire Valls du 7 juillet recommandant d’assigner les familles de sans-papiers avec enfants à résidence plutôt que de les placer en rétention ne s’y applique pas. Une « exception » contre laquelle plusieurs associations avaient déposé une requête devant le Conseil d’État, qui l’a rejetée le 27 août. Selon la plus haute juridiction administrative, il est en effet « irrecevable » de demander que les lois soient les mêmes dans un territoire pourtant devenu un département de la République française il y a un an et demi.

La réalité est qu’un nourrisson de huit semaines n’a rien à faire dans un centre surpeuplé connu pour son insalubrité. L’humanité la plus élémentaire, tuée sans doute par l’application bête et mécanique d’une circulaire ministérielle, commandait de le protéger dans un service pédiatrique.

S’il y a donc des « causes exactes encore à déterminer », il faut aller les chercher au ministère de l’Intérieur, noyé dans le chagrin.

La mort tragique d’un nourrisson, migrant illégal sans-papier est malheureusement l’illustration de l’impasse invraisemblable dans laquelle se trouve le territoire de Mayotte. Le résultat de plusieurs décennies d’une politique désastreuse consistant à se maintenir illégalement à Mayotte.

Rappelons que, en violation du droit international, la France a arraché cette île de l’Archipel des Comores malgré les nombreuses résolutions de l’ONU. Les Mahorais sont donc avant tout des Comoriens et jusqu’à l’instauration des visas Balladur en 1995, chacun circulait d’îles en îles pour commercer ou visiter sa famille. Mayotte, sous perfusion française est ainsi devenue au fil des décennies un îlot de prospérité au beau milieu d’un archipel affaibli par de multiples coups d’État.

Bob Denard y a construit sa renommée sous la tutelle bienveillante des services français. Un territoire riche, une vie miséreuse autour, il n’en fallait pas moins pour que Mayotte devienne un Eldorado et que les deux ministres gémissent : « L’île est exposée à des difficultés sans équivalent par rapport au reste du territoire français, puisque la pression migratoire irrégulière représente environ 25% de la population mahoraise », « La réalité de la situation locale rend inopérante l’assignation à résidence, désormais systématique pour les familles en situation irrégulière sur le reste du territoire français », poursuivent-ils.

On préfère donc embastiller des enfants de deux mois. De peur qu’ils ne se sauvent à toutes jambes ?

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 216 - septembre 2012
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