Au cœur de l’été, les révélations du quotidien sud-africain Mail & Guardian sur l’affaire UraMin sont presque passées inaperçues.
UraMin, devenu Areva Resources Southern Africa. Durant les six mois qu’ont duré les
négociations, entre l’achat de 5 % du capital d’UraMin et l’annonce officielle de l’OPA
amicale, en juin 2007, le cours de l’action de la junior canadienne, qui n’a pourtant
encore aucun gisement en exploitation, allait plus que quadrupler à la Bourse de Toronto, obligeant Areva a payer le prix fort : 1,8 milliards d’euros. Des conditions d’achat qui surprennent les observateurs de l’époque et qui laissent planer de forts soupçons de délits d’initiés (Billets d’Afrique n°204, juillet-août 2011).
En janvier et février 2012, quelques semaines avant la parution de son livre
Areva en Afrique, Raphaël Granvaud signait dans Billets d’Afrique deux articles
dont « UraMin, vers une nouvelle affaire Elf ? » Cela se confirme si on croit l’enquête du Mail&Guardian qui affirme « qu’Areva a sciemment payé trop cher afin de s’assurer du soutien d’hommes clés autour du président de la République de l’époque Thabo Mbeki ».
Il s’agissait de remporter un appel d’offre nucléaire colossal, aujourd’hui suspendu. Areva était alors en concurrence farouche contre Toshiba-Westinghouse pour vendre deux EPR à l’Afrique du Sud tandis
que des réacteurs supplémentaires étaient
évoqués. « Le deal était qu’Areva achète
Uramin et gagne en retour l’appel d’offres.
Areva payait trop cher Uramin - qui valait
la moitié. Mais le groupe français allait
décrocher des contrats pour des réacteurs
et une usine d’enrichissement, pour une
valeur dix fois supérieure ».
Résultat de cette brillante tentative de corruption : 2,5 milliards de dollars partis
en fumée qu’Areva a ramené récemment à zéro dans son bilan ! Si Mail&Guardian
mentionne les bénéficaires éventuels de cette corruption en Afrique du Sud : les
« nombreux consultants, partenaires commerciaux, associés, dirigeants d’Uramin
[qui] étaient des proches, à un titre ou à un autre, de Thabo Mbeki », il reste
néanmoins à déterminer si, du côté français, des rétro-commissions et autres
pots-de-vin ont été versés.
Autre conséquence de ce fiasco : un
décret publié le 22 août et signé par Jean-Marc Ayrault, Pierre Moscovici et Arnaud
Montebourg. Ce décret place Areva sous surveillance des pouvoirs publics et
rappelle que le conseil de surveillance d’Areva voit désormais sa compétence
étendue aux décisions d’investissement productif d’un montant supérieur à
20 millions d’euros. Par ailleurs, le seuil au-delà duquel les acquisitions et prises
de participation doivent être autorisées est abaissé de 80 à 20 millions d’euros
aupraravant. Des dispositions destinées à encadrer les prérogatives des dirigeants
du groupe.