Survie

Un général français pour Bemba

rédigé le 3 septembre 2012 (mis en ligne le 1er novembre 2012) - Raphaël de Benito

Accusé de crimes contre l’humanité commis entre octobre 2002 et mars 2003
en Centrafrique, le Congolais Jean-Pierre Bemba comparaît devant la Cour
pénale internationale (CPI). Il rejette la responsabilité des exactions sur son allié
d’alors, l’armée loyaliste. Une
nouvelle étape de son procès
a débuté à la mi-août.

Ancien candidat à l’élection présidentielle congolaise de 2006, Jean- Pierre Bemba devant les juges de la Cour pénale iwnternationale

La défense de Bemba a, en effet, entamé la présentation de son dossier
devant la CPI cherchant à prouver
que l’accusé n’avait pas le contrôle direct
de sa milice, le Mouvement de libération
du Congo (MLC). C’est le général
français, Jacques Seara, qui a ouvert le bal
des 63 témoins de la défense en affirmant
que l’accusé ne pouvait exercer de
commandement sur ses hommes déployés
en République centrafricaine.

Officier
retraité de l’armée française, le général
de brigade témoignait en qualité d’expert
et auteur d’un rapport sur la structure de
commandement des forces armées lors
du conflit en Centrafrique. Seara a dirigé
le bureau des relations internationales
de l’armée de terre et, à ce titre, était en
relation avec toutes les armées étrangères
comme il l’a expliqué à la Cour. Il a assuré
que « le commandement des opérations
pendant toute la durée du conflit était
centrafricain
 ».

Il a précisé qu’« on ne
peut pas imaginer dans ce type de conflit
qu’un élément travaille en électron
libre
 » (!), en ajoutant, au sujet du MLC,
qu’« ils ne menaient pas leur guerre à
eux, ils menaient la guerre que voulait la
République centrafricaine pour rétablir
l’Etat de droit
 ». On ne voit pas très
bien en quoi cela exonèrerait Bemba des
atrocités commises par ses hommes qu’ils
soient sous commandement centrafricain
ou électron libre dans un conflit où les
milices, rebelles, mercenaires et soldats de
tous bords ont allégrement pillés, massacrés
et violés tous les jours.


Et Barril dans tout ça ?

En juin 2008, des sources proches
du bureau de la CPI à Bangui
signalait que le capitaine Barril
faisait aussi l’objet d’investigations
judiciaires de la CPI dans le dossier
Bemba et Ange Félix Patassé pour
son implication présumée dans les
exactions commises par les troupes
de Bemba. Un témoin de l’époque
précisait que l’ex-gendarme français
avait supervisé la protection de la
résidence de Patassé à l’aide de la
Société centrafricaine de protection
et de surveillance et des éléments
tchadiens d’Abdulaye Miskine.

Ce
témoin a raconté sa rencontre avec
Barril. « Un soir, je travaillais à Bouar,
et on a reçu la visite d’éléments
étrangers, je crois qu’ils étaient
yougoslaves. Ils parlaient français
avec un fort accent russe. Ils étaient
équipés comme des commandos
(...) Paul Barril a tenu un meeting
et il disait à la population qu’il avait
besoin de soutiens, qu’il venait pour
combattre les rebelles de Bozize qui
avançaient.
 »


Un pouvoir assis sur la violence

En 2001, le président centrafricain d’alors, Ange-Félix Patassé, fait face à
un mouvement insurrectionnel conduit par le chef d’état-major de l’armée,
le général François Bozizé. Celui-ci se réfugie au Tchad et par la suite en
France. Le 25 octobre 2002, les troupes de Bozizé, soutenues par des rebelles
tchadiens envoyés par Idriss Déby avec la bénédiction de la France de
Jacques Chirac opèrent une percée et attaquent les quartiers nord de Bangui.
S’ensuivent plusieurs jours de combats violents dans la capitale. Les forces
armées centrafricaines en déliquescence, le président Patassé s’en remet
pour sa défense à un contingent militaire libyen, aux hommes du Tchadien
Abdoulaye Miskine, aux éléments de l’Unité de sécurité présidentielle (USP),
à des barbouzes français menés par Paul Barril et à un millier d’hommes du
Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, lui-même
en rébellion contre Kinshasa.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 216 - septembre 2012
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