Après Ali Bongo et Blaise Compaoré cet été, c’est au tour du président tchadien, Idriss Déby d’être reçu par François Hollande ce mois d’octobre. Au menu, le dossier malien et la constitution laborieuse d’une force ouest-africaine susceptible de reconquérir le nord du Mali, la Cédéao (Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest) ayant le plus grand mal à réunir les 3 300 hommes de sa force d’intervention.
Mal formées et mal équipées, ces troupes, outre le soutien aérien, logistique et les moyens de renseignement occidentaux ont besoin de renforts aguerris. D’où l’utilité d’Idriss Déby, qui dispose d’une armée clanique rompue aux combats en milieu désertique même si les attaques rebelles de 2008 avaient été à deux doigts de le renverser sans l’aide décisive du dispositif Epervier au Tchad.
Déby a donc bien saisi l’opportunité qu’il y avait de redorer son blason à l’international et fait monter les enchères. On peut d’ailleurs se demander si sa visite officielle à Paris n’est pas une partie du prix à payer pour obtenir une contribution du Tchad.
Outre le fait qu’il est révoltant de voir le gouvernement français courtiser un dictateur de la trempe de Déby dont la garde présidentielle a éliminé un de ses plus fameux opposants en 2008, Ibni Oumar Saleh, il est choquant qu’il ferme les yeux sur la répression subie aujourd’hui par les leaders syndicaux, les journalistes ou de simples citoyens. Rappelons la récente condamnation du directeur de publication de N’Djaména Bi-Hebdo, Jean-Claude Nekim, pour avoir rapporté une pétition dénonçant notamment la mauvaise gestion des fonds publics et la corruption de certaines autorités locales. A défaut de changement, les autorités françaises font donc le choix de la continuité de la politique africaine de la France : l’absolution des crimes de l’ancien commandant en chef d’Hissène Habré depuis 22 ans au pouvoir. Le prix à payer pour les Tchadiens est exhorbitant.
A l’heure où nous bouclons ce numéro (1er octobre), plusieurs médias numériques tchadiens indiquent que la visite de Déby à Paris serait annulée ou repoussée. Il semblerait que ses plus fidèles partisans ont la phobie d’un coup d’Etat et déconseillent à Déby de voyager. A noter que fin septembre, son beau-fils Mahamat Zène Hissein Bourma, par ailleurs trésorier payeur général, a été arrêté à l’aéroport de Dubaï en possession de centaines de milliers de devises. Il a été relâché grâce à l’intervention directe de Deby. Bourma chercherait à acquérir des 4X4, utiles dans une incursion au nord Mali.