Survie

Le sommet de la tartufferie

rédigé le 2 octobre 2012 (mis en ligne le 15 octobre 2012) - Odile Tobner

On ne peut que se féliciter que l’Organisation internationale de la francophonie ait choisi Kinshasa pour tenir son XIVe sommet, du 12 au 14 octobre 2012. On ne pouvait pas trouver un meilleur symbole de l’influence française que le martyre que vit la RDC.

Il n’est, pour se convaincre des bienfaits de la francophonie, que de comparer le sort de ce malheureux géant – le deuxième plus grand pays d’Afrique et le plus riche de la planète en ressources naturelles – à celui de l’anglophone Nigeria. Si la situation de cet autre géant africain est loin d’être idéale, elle est sans commune mesure avec l’enfer où est plongée la RDC, en proie à des affrontements armés qui ont déjà fait des millions de morts et où des provinces entières sont livrées à la violence des milices.

Ce chaos n’est que le fruit des constants efforts accomplis, depuis l’assassinat de Lumumba, par les puissants « parrains » occidentaux, au sens maffieux du terme, de ce pays pour perpétuer sa mise en coupe réglée, en substituant au colonisateur belge des kleptocrates lo­caux. C’est la raison pour laquelle la France n’a jamais mégoté son soutien au sinistre Mobutu, n’hésitant pas à intervenir militairement en 1978 pour le maintenir au pouvoir.

Aujourd’hui comme hier, en RDC comme dans tous les pays d’Afrique francophone, il s’agit avant tout de « préserver les intérêts français », périphrase désignant pudiquement le pillage effréné des ressources africaines. Mais « cachez ce sang que je ne saurais voir » : le rôle de l’OIF est de dissimuler le cynisme meurtrier de la Françafrique sous le voile respectable de la francophonie.

Après avoir béni les élections truquées qui ont confirmé les dictatures gabonaise et camerounaise, l’OIF vient ainsi cautionner le coup de force de Joseph Kabila, reconduit à la tête de la RDC à la suite d’un véritable hold-up électoral, à un moment où ce régime dissimule de moins en moins sa nature criminelle : assassinats et disparitions frappent ceux qui dénoncent les abus du pouvoir ; le procès des assassins présumés du charismatique président de « La voix des sans-voix », Floribert Chebeya, a soigneusement étouffé toute possibilité de poursuivre les véritables coupables ; le chef du parti de la Démocratie chrétienne, Eugène Diomi Ndongala, a été enlevé par la police le 27 juin, alors qu’il s’apprêtait à lancer une plate-forme de 69 partis d’opposition – on craint qu’il n’ait été liquidé – ; la résidence d’Etienne Tshisekedi, leader de l’UDPS, principal parti de l’opposition, a été mise à sac le 29 août.

Voilà le régime que, faisant fi des suppliques de l’opposition congolaise, Hollande honore en se rendant à Kinshasa. Dans ce pays saigné à blanc, notre bonhomme va pouvoir pontifier sans vergogne sur la « communauté de principes et d’idéaux », que constitue selon lui la francophonie. Pourtant, comme le rappelle le site d’information « le Congo indépendant », « pendant l’Eurofoot, le gouvernement français avait refusé d’envoyer une délégation officielle en Ukraine, protestant ainsi contre traitement infligé à Mme Loulia Timotchenko. Pourquoi une politique aussi flagrante de deux poids deux mesures ? » Ces Africains ne comprennent décidément rien : quelle meilleure preuve de la grandeur de la culture française que cette nouvelle incarnation de l’éternelle figure de Tartuffe ?

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