Dans l’affaire du
bombarbement de
Bouaké en Côte d’Ivoire
qui a coûté la vie à
neuf soldats français,
l’ancienne ministre de la
Défense, Michèle Alliot-
Marie (MAM), est visée
par une plainte pour
complicité d’assassinats.
En cause, « ses mensonges
délibérés ». Revue de
détails.
« Je suis sereine », c’est tout
ce qu’a bien voulu concéder
Michèle Alliot-Marie
alors que certaines des familles de
militaires victimes du bombardement
en 2004 du cantonnement français
à Bouaké ont déposé plainte contre
elle auprès de la Cour de justice de
la République (CJR). Cette plainte
intervient en parallèle de l’information
judiciaire pour assassinat et tentative
d’assassinats ouverte en 2005.
Rappelons que le 6 novembre 2004
deux avions de l’armée ivoirienne
bombarbent sciemment un camp de
l’armée française à Bouaké, tuant neuf
militaires français, un civil américain
et blessant trente-huit soldats.
La mort des soldats français avait servi
de justification à la destruction de
l’aviation ivoirienne, alors que cette
dernière était engagée depuis trois
jours dans une opération militaire de
reconquête du nord du pays.
Michèle Alliot-Marie prétend toujours
que les noms des mercenaires biélorusses
responsables des bombardements
sur les soldats français n’étaient
pas connus et qu’ils n’avaient pu
être ni arrêtés ni interrogés faute de
preuves pour fonder un mandat d’arrêt
international. On sait pourtant, d’après
les notes déclassifiées de la DGSE et
le dossier d’instruction, que l’armée
française avait suivi de A à Z, en vidéos
et en photos, l’arrivée et l’installation
de ces mercenaires et qu’elle disposait
donc de ces informations avant même
le début des opérations militaires.
Quant à l’absence de base juridique,
c’est une aimable plaisanterie car
les autorités françaises pouvaient
s’appuyer sur la loi Pelchat qui
réprime l’activité des mercenaires, le
Code de justice militaire prévoyant
que sont justiciables tous auteurs ou
complices d’une infraction contre
les forces armées françaises, et enfin
le Code pénal, qui prévoit que la loi
pénale française est applicable à
tout crime commis par un étranger
hors du territoire lorsque la victime
est de nationalité française. Mais
MAM n’était pas encore Garde des
Sceaux...
Le jour du bombarbement, quinze
autres
mercenaires
avaient
été
interceptés, retenus quatre jours et
auditionnés par les forces spéciales
françaises, mais, toujours selon Alliot-Marie, cette audition n’avait pas porté
« au fond » en l’absence de procédure
judiciaire. On se demande bien alors
de quoi ils ont bien pu parler...
Enfin, dix jours après les bombardements, huit Biélorusses étaient
arrêtés au Togo, placés en garde
à vue, tenus à la disposition de la
France... et finalement relâchés sans
autre forme de procès à la demande
expresse de cette dernière ! Michèle
Alliot-Marie avait affirmé que la
France n’avait pas, à l’époque,
d’informations suffisamment précises
pour exiger du Togo qu’il garde
prisonniers des mercenaires : « Les
analyses et les recoupements, nous
ne les avons eus qu’après, explique
l’ancienne ministre de la Défense au
juge chargé de l’enquête, et ils n’ont
conduit qu’à des présomptions que des
pilotes pouvaient peut-être se trouver
dans ce groupe. » Pourtant, l’officier
de la DGSE au Togo disposait des
photocopies des passeports des
deux pilotes remis par les autorités
togolaises.
Au bout du compte, les mercenaires de
l’Europe de l’Est se sont évanouis dans
la nature et n’ont jamais été retrouvés.
Dans le flot des énormités assénées
avec un aplomb inouï par MAM, on
retiendra également que c’était pour
éviter une crise diplomatique avec
la Biélorussie que la douzaine de
mercenaires a été relâché.
Le mot de la fin revient à Brigitte
Raynaud, juge chargée de l’affaire à
l’ancien Tribunal aux armées de Paris
(dissous en janvier dernier), qui, à
son départ, l’avait écrit sans détours à
Michèle Alliot-Marie, son ministre de
tutelle d’alors :
« Je relève qu’à la fin
de ma mission aucun renseignement
ne m’a été fourni sur les raisons
pour lesquelles les mercenaires et
leurs complices, identifiés comme
auteurs de ce crime, bien qu’arrêtés
immédiatement ou dans les jours
qui ont suivi les faits, avaient été
libérés sur instruction ou avec le
consentement des autorités françaises
sans avoir été déférés à la justice. »
(Slate Afrique, 27 novembre).
Me Jean Balan, l’avocat des familles de
victimes, à l’origine de la plainte est
encore plus frontal : Michèle Alliot-Marie a cherché à « saboter l’action
de la justice afin d’éviter, à tout prix,
que la vérité ne soit connue ».