Survie

Françafrique new look

rédigé le 3 février 2013 (mis en ligne le 12 février 2013) - Odile Tobner

Ceux qui pourraient se laisser égarer par l’intense pilonnage médiatique qui accompagne inévitablement toute opération guerrière auront avantage à ne pas oublier la règle n° 1 de la propagande françafricaine : la Françafrique, ça n’a jamais existé, et d’ailleurs ça n’existe plus.

Or donc, la France intervient militairement dans une ancienne colonie d’Afrique subsaharienne mais cela n’a rien à voir avec l’impérialisme. Miss « Young leader » 1996 de la French American Fondation, Hollande a bien appris la leçon des showmen de la guerre spectaculaire : une belle guerre, simple comme un western, avec un shérif – nous – protégeant des paysans désarmés – les Maliens – des méchants bandits : les islamistes, qui, depuis la chute de l’empire soviétique, ont avantageusement remplacé les Rouges dans le rôle du mal absolu, ça a autrement plus de gueule que le soutien armé à des dictatures prédatrices. Il s’agit de faire accepter par un peuple français frappé par un chômage endémique et une pauvreté grandissante le coût considérable d’une énième intervention militaire – la France est le pays le plus interventionniste de la planète sur le plan militaire, avant même les États-Unis : Côte d’Ivoire, Libye, Afghanistan hier, Mali aujourd’hui, sans parler de ses bases militaires permanentes en Afrique et de ses guerres secrètes.

Pour un observateur averti, ce joli scénario diffusé jusqu’à plus soif par tous les gros médias ne tient pas debout. Au contraire de ce qui est répété à longueur d’antennes, Bamako n’était pas menacée, ni dans l’immédiat, ni à moyen terme. Les « méchants » sont financés et équipés par nos amis qataris et saoudiens. Enfin la France, qui prétend aujourd’hui défendre l’intégrité territoriale du Mali, envisageait sans sourciller en janvier 2012, par la bouche du ministre des affaires étrangères d’alors, la possibilité d’une sécession du Nord du Mali. Pur hasard, ce territoire que nous prétendons maintenant vouloir rendre au Mali, et que nous allons occuper en attendant – en attendant quoi ? –, regorge de ressources naturelles.

Désolé de briser la belle image : cette intervention est purement coloniale.

Aujourd’hui comme hier, il s’agit de s’assurer le contrôle d’un territoire stratégique pour les grandes puissances industrielles. L’assentiment de la marionnette transitoire à la tête du Mali n’était qu’une formalité. C’est en maître que parle le gouverneur français – pardon : l’ambassadeur de France au Mali – : « Plus que jamais, l’heure n’est ni aux chicanes ni aux discussions vaines. L’heure est à l’unité. La nation [malienne] est en danger, le pays doit s’unir contre un adversaire commun [...] On ne peut pas conduire une action militaire et une action efficace de reconquête du Nord si, dans la capitale, n’importe quel groupuscule commence à faire sa loi. Ils [les organes de la transition] n’ont pas besoin d’être soumis tous les jours à une pression de la rue », avant de saluer la décision du gouvernement d’instaurer l’état d’urgence. Il s’agit d’interdire les manifestations des opposants à l’intervention, pourtant censés ne pas exister. Les manifestations d’enthousiasme pro-français, elles, ont fourni un flot inépuisable d’images flatteuses pour l’ego national. Ces images remplacent avantageusement celles des manifestations d’ouvriers de Renault ou de Peugeot, d’Arcelor-Mittal ou de Pétroplus, qui ne servent qu’à démoraliser la Nation.

Les grands bénéfices des maîtres ne se font plus dans l’industrie française mais dans les investissements agraires, miniers, commerciaux, dans les pays pauvres, dont la population est corvéable à merci et les dirigeants dociles jusqu’à la servilité. Quand il paie pour un budget dit de la « défense », c’est la défense de ces intérêts-là que finance le contribuable français. Nous voilà désormais dans le monde orwellien de la guerre perpétuelle, où nos armées volent de victoire en victoire sous les yeux fatigués de masses qui s’enfoncent dans la pauvreté.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 221 - février 2013
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