Survie

Djibouti : Guelleh dissout le peuple

rédigé le 5 mars 2013 (mis en ligne le 13 mars 2013) - Raphaël de Benito

Sans surprise, le parti au pouvoir a remporté les « élections » législatives du 22 février, au terme d’un scrutin marqué par les fraudes, tandis que le président Guelleh tente d’acheter le silence de Paris en se faisant l’avocat de l’intervention au Mali.

Depuis dix ans, l’opposition refusait de participer à des élections tant les tricheries étaient manifestes.

Quelques concessions très timides du régime d’Ismaïl Omar Guelleh comme une dose de proportionnelle (20%), une nouvelle coalition des partis d’opposition, l’Union pour le salut national (USN), et une nouvelle génération de jeunes membres de la société civile combatifs ont permis la participation de l’opposition au récent scrutin.

Pourtant, les conditions d’une élection honnête étaient loin d’être réunies : une Commission électorale nationale qui n’a d’indépendant que le nom (CENI) et l’absence de refonte de la liste électorale. Pis, le régime Guelleh a continué dans ses mauvaises habitudes : la campagne a été émaillée de provocations et d’arrestations arbitraires des leaders de l’opposition, les meetings interdits sans compter les intimidations diverses.

Durant le scrutin marqué par de très nombreuses irrégularités, les incidents se sont multipliés : à Obock, les délégués de l’opposition n’ont pu accéder aux bureaux de vote. Dans certaines localités, Dikhil, Tadjourah, Arta et Ali-Sabieh, l’USN dénoncait des expulsions et des menaces avec armes.

A Djibouti-ville, malgré les violences et les intimidations de tout ordre, les électeurs ont choisi la coalition de l’opposition. Sans surprise, le ministre de l’Intérieur a annoncé une victoire du parti au pouvoir (UMP) provoquant des heurts violents et arrestations massives de membres de l’opposition. Dès le lendemain du scrutin, celui-ci avait annoncé la couleur avec un cynisme inouï :

« Si le peuple a voté contre le pouvoir, on dissout le peuple ».

Le ton était donné et les manifestations de protestation qui ont suivi la proclamation des résultats ont été réprimées à balles réelles avec une dizaine de morts.

Le gouvernement français a regardé ailleurs saluant « la tenue des élections à Djibouti pour la première fois depuis 2003 avec la participation effective de l’opposition ». Quant à la répression de l’opposition, ce sont des « incidents regrettables », la France restant préoccupée « par les débordements survenus lors de manifestations ». Pas de quoi troubler le sommeil de Guelleh.

Le Mali comme somnifère

Pour faire bonne mesure, Guelleh s’est appliqué à acheter le silence de son protecteur de toujours en se faisant soudain le défenseur de l’engagement militaire français au Mali. Il serait, paraît- il, « très remonté contre les réticences face à cette intervention exprimées par plusieurs pays africains autres que ceux du Sahel et de l’Intergovernmental Authority on Development (IGAD), lors du dernier sommet de l’Union africaine (UA) à Addis-Abeba, fin janvier. » (Lettre de l’Océan Indien, 15 février).

Zélé, Guelleh a même « plaidé la cause française » le 15 février au Tchad à l’occasion de la première session extraordinaire de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté des Etats sahélo-sahariens (CEN-SAD).

Il faut dire que le conflit malien a la faculté, comme ces fontaines miraculeuses de la médecine populaire, de nettoyer les souillures à grandes eaux thérapeuthiques. Les despotes de la Françafrique, un brin maître-chanteurs également, s’y plongent de manière à obtenir l’onction de Paris malgré leurs turpitudes. A cet égard, Guelleh, au-delà d’une enième mascarade électorale, a d’autres cadavres dans le placard, à commencer par l’assassinat du juge Borrel.

Le Mali fait donc des victimes collatérales jusqu’au bord de la mer Rouge : la démocratie et la justice pour les innombrables victimes du régime Guelleh depuis 36 ans au pouvoir.

Accords de défense : du neuf avec du vieux

Le ministre des Affaires étrangères a présenté, le 21 novembre dernier, un projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la France et Djibouti. Ce traité, signé par Nicolas Sarkozy le 21 décembre 2011 à Paris, vient remplacer l’accord de défense conclu lors de l’indépendance de Djibouti. Laurent Fabius n’a rien modifié du contenu de ce nouvel accord dont l’essentiel est préservé puisqu’il comporte une clause de sécurité qui confirme l’engagement de la France à contribuer à la défense de l’intégrité territoriale de Djibouti. Il établit aussi le cadre de la coopération militaire bilatérale et précise les facilités opérationnelles accordées à l’armée française stationnée à Djibouti.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 222 - mars 2013
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