Survie

Gouvernance, le management totalitaire

rédigé le 5 mars 2013 (mis en ligne le 13 mars 2013) - Alice Primo

En moins de trente ans, le mot-valise de « gouvernance » s’est imposé avec la prétention de conceptualiser et structurer toute notre vie politique : depuis l’intérieur de l’entreprise, milieu duquel il a surgi à la faveur de travaux universitaires d’économie et de gestion sur les firmes (des « organisations » qu’il fallait rendre plus rentables), jusqu’au fonctionnement de toute société humaine, d’une collectivité publique aux institutions étatiques, et même à l’ensemble des Nations.

« Gouvernance mondiale » et « bonne gouvernance » sont aujourd’hui ses déclinaisons les plus connues, mais le terme est désormais employé dans tellement de contextes différents et de thématiques variées, qu’il en paraît incontournable. Par conséquent, peut-il y avoir une « bonne » acception de la gouvernance ? Est-il en effet possible et pertinent de se réapproprier le concept, de s’accorder sur une définition qui nourrisse des mobilisations progressistes ? Sans la poser explicitement, c’est à cette question déterminante pour les luttes sociales que répond cet essai original.

En cinquante courtes prémisses (des « assertions de départ [desquelles] découle une série de conséquences »), Alain Deneault nous entraîne au cœur de l’idéologie néolibérale et des mécanismes implicites de cette « gouvernance » qui aliène désormais notre capacité à penser notre réalité, malgré et grâce à une terrible vacuité conceptuelle.

C’est donc une invitation à autopsier cette « révolution anesthésiante » par laquelle une nouvelle forme de totalitarisme tend à réduire la démocratie à des cadres d’analyse et des modes de fonctionnement directement issus du management – et donc les plus à même d’empêcher toute remise en cause des structures de domination, puisqu’ils visent implicitement à les légitimer.

La lecture est parfois difficile, puisque cela implique de plonger dans des cadres conceptuels et une littérature empruntant principalement aux écrits des apôtres de la « gouvernance », en les mettant en perspective de certaines références de philosophie politique. Mais elle permet de mieux saisir et combattre ce « coup d’état conceptuel » qui est venu inhiber la pensée et l’action collectives.

Gouvernance, le management totalitaire
 Alain Deneault, Lux, mars 2013. 194 p, 12 euros.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 222 - mars 2013
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