En imposant l’ONG GRET comme voix unique de la société civile à l’occasion de la clôture des Assises du développement, Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé du Développement, neutralise toute velléité discordante dans ce qui s’apparente à un exercice de communication en faveur du partenariat entre les ONG et les entreprises.
L’épilogue de ces Assises avait été écrit d’avance. Le GRET se présente comme une ONG de développement et fait partie de Coordination Sud (qui regroupe six collectifs d’ONG et 140 ONG françaises de solidarité internationale).
Mais sa désignation comme porte-parole a provoqué l’amertume – certes discrète – des autres ONG : en effet le GRET présente la particularité d’être très favorable aux partenariats avec les entreprises et manque pour le moins de mordant vis-à-vis des autorités. Et pour cause, ses financements proviennent majoritairement de fonds publics, y compris ceux de l’Agence Française de Développement (AFD), et de contributions d’entreprises.
Le parcours de son président, Pierre Jacquemot, est en soi édifiant sur le mélange des genres. Après avoir conseillé le président sénégalais Abdou Diouf, après un passage dans la coopération et l’action culturelle au Burkina Faso et au Cameroun, il est pressenti en 1998 pour prendre la tête de l’AFD. Il occupera finalement le poste de directeur du développement au ministère délégué à la Coopération et à la Francophonie. Il sera ensuite ambassadeur de France au Kenya, au Ghana et en RDC. Autant dire qu’avec de telles « organisations non gouvernementales », l’indépendance et la liberté de ton risquent d’être bien inoffensives.
Mais surtout, le GRET est aussi connu pour sa proximité avec les entreprises. Comme c’est affiché sur le site internet de l’organisation, le GRET croit au rôle que peuvent jouer les entreprises dans le développement et agit notamment via des « partenariat[s] avec les grandes entreprises du Nord dans le cadre de leur politique de RSE [Ndlr : Responsabilité sociale des entreprises] », avec Veolia, par exemple.
Cerise sur le gâteau, le président compte parmi ses multiples casquettes celle de chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) mais surtout celle de membre... du CIAN, le lobby des entreprises françaises en Afrique.
Au final, à la clôture des Assises du Développement ce n’est pas le président du GRET mais sa directrice, Bénédicte Hermelin qui a pris la parole, une première fois avec la casquette de Coordination Sud, une seconde fois au nom du GRET, lors de la projection d’une vidéo où elle est montrée de manière croisée avec un représentant du groupe Danone pour vanter les partenariats ONG-entreprises qui sont loin de faire consensus.
Un message qui a dû trouver un écho tout particulier auprès du ministre pour qui le scandale de l’aide liée, qui consiste à conditionner une aide au passage de contrats avec des entreprises françaises, pourrait être contourné en orientant l’aide sur des secteurs où les entreprises françaises sont de toute façon les principaux acteurs.
Le précédent malgache
Les Assises du Développement dont est si fier Pascal Canfin ont été pilotées par Jean-Baptiste Mattei, directeur général de la Mondialisation qui dépend du ministère des Affaires étrangères et son adjoint Jean-Marc Châtaigner. Ce dernier était jusqu’à l’année dernière l’ambassadeur de France à Madagascar.
Arrivé au lendemain du pustch d’Andry Rajoelina en 2009, Chataignier a été le zélé défenseur de la politique française consistant à légitimer Andry Rajoelina à la tête d’une Haute autorité de transition. Une « transition » qui dure toujours. Alors que la diplomatie française le recevait avec les honneurs en mars 2010 à Paris, les eurodéputés critiquaient vivement, dans une résolution, son « régime illégal » et demandaient contre lui des « sanctions individuelles et ciblées ». « Le régime illégal en place continue de défier la communauté internationale » et « monopolise les pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire ainsi que les médias ». Les élus dénonçaient « les violations généralisées des Droits humains, le harcèlement et l’arrestation arbitraire de parlementaires, de religieux et de membres de la société civile (...), l’intimidation de la presse, les arrestations et tortures de civils et d’hommes politiques ». Alors que l’on espère, sans en être sûr, la tenue d’une nouvelle élection en juillet 2013, Madagascar est toujours plongée dans une crise politique majeure avec des perspectives de sortie de crise peu réjouissante.
Depuis quatre ans, la misère, déjà si présente, a explosé, le pillage des ressources et la corruption sont à des niveaux jamais atteints. De quoi occuper un nombre considérable d’ONG de développement réunies par les bonnes grâces de Jean-Marc Châtaigner à l’occasion de ces Assises.