Que n’avait-on pas entendu en 2011 sur les centaines de missiles sol-air SA-7 des arsenaux libyens aux mains d’Aqmi ! Deux ans plus tard, après trois mois d’opération Serval, toujours aucune trace.
A tout honneur, tout seigneur (de guerre), c’est d’abord le président tchadien Idriss Déby, qui a agité le chiffon rouge : « C’est très grave. Aqmi est en passe de devenir une véritable armée, la mieux équipée de la région ». On le sait, Deby qui fournissait par ailleurs un contingent de mercenaires à son ami Kadhafi, a toujours eu le sens de la mesure.
L’affaire des SAM-7 préoccupait également les services de sécurité de la région mais aussi les services français dont « les pires craintes » étaient confirmées d’après plusieurs articles parus cette année-là dont ceux du Canard Enchaîné (Intox aux missiles, Billets d’Afrique n°204, juillet août 2011). Dans une dépêche AFP du 22 juin 2011, l’expert algérien Mohamed Mokeddem, auteur notamment de « La France et l’islamisme armé » commentait l’interception, le 12 avril, dans le désert nigérien, de trafiquants d’armes transportant 640 kg d’explosifs, du Semtex tchèque : « Cela confirme que le rôle des islamistes radicaux ibyens n’est pas seulement de lutter contre Kadhafi mais aussi de canaliser l’acheminement des missiles et des explosifs ». L’AFP citait également un responsable de la lutte anti-terroriste dans la région : « Il y a un très grand danger de voir Aqmi devenir l’une des armées les plus fortes du Sahel. Beaucoup d’armes sont tombées entre les mains des terroristes, surtout des missiles sol-air ».
Le 3 juillet 2011, un article du Figaro évoquait la possibilité, « peut-être », de missiles récupérés par Aqmi. Certaines sources sécuritaires évoquant même le chiffre ahurissant de 10 000 missiles SA-7 dans la nature.
Deux ans plus tard, il n’y a aucune traces des ces missiles redoudables « de courte portée, pouvant permettre à un combattant d’abattre, avec un minimum entraînement, n’importe quel hélicoptère ou avion volant à basse altitude » comme l’écrit Jeune Afrique le 19 mars dernier.
Au Mali, depuis le début de la guerre au printemps 2011 et a fortiori depuis le lancement de l’opération Serval, aucun missile n’a été tiré par les djihadistes, ni retrouvé si ce n’est quelques composants à Gao. Jeune Afrique précise « que les SA-7 sont des missiles assez sensibles. Ils nécessitent de bonnes conditions de stockage et sont équipés de batteries thermiques qui doivent être renouvelées fréquemment. Autant de conditions difficiles à remplir pour des jihadistes sahéliens habitués à nomadiser dans le désert ».
Des caractéristiques que ne pouvaient ignorer les services occidentaux tout comme le fait qu’une bonne partie des milliers de SA-7 dont disposait Kadhafi ne marchaient pas ainsi que l’affirme Laurent Touchard, chercheur indépendant sur les questions de défense.
Pour finir, rappelons la conclusion de l’article de Billets d’Afrique à l’été 2011 sur l’intox aux missiles : minutieusement, on construit un ennemi dont la puissance supposée, « l’une des armées les plus fortes de la région » avec ces centaines de missiles et des armes sophistiquées, nous « oblige » à militariser encore davantage le Sahara.