Est-ce vraiment une
surprise ? Dans l’affaire du
bombardement de Bouaké,
Michèle Alliot-Marie,
l’ancienne ministre française
de la Défense, ne sera pas
poursuivie devant la Cour
de justice de la République,
seule habilitée à enquêter sur
les actions menées par des
ministres dans l’exercice de
leur fonction.
La plainte déposée en novembre 2012
pour complicité d’assassinats par
huit des victimes et leurs familles
a donc été classée sans suite malgré les
mensonges grossiers de MAM. Circulez, il
n’y a donc (toujours) rien à voir.
Rappelons que le 6 novembre 2004 deux
avions de l’armée ivoirienne bombarbent
sciemment un camp de l’armée française
à Bouaké, tuant neuf militaires français,
un civil américain et blessant trente-huit soldats.
La mort des soldats français
avait servi de justification à la destruction
immédiate de l’aviation ivoirienne, alors
que cette dernière était engagée depuis
trois jours dans une opération militaire de
reconquête du nord du pays en proie aux
rebelles qui ont porté des années plus tard,
Alassanne Ouattara et Guillaume Soro au
pouvoir. L’enquête judiciaire ouverte un an
plus tard est toujours en cours.
Michèle Alliot-Marie a toujours prétendu
que les noms des mercenaires biélorusses
responsables du bombardement n’étaient
pas connus et qu’ils n’avaient pu être ni
arrêtés ni interrogés faute de preuves pour
fonder un mandat d’arrêt international.
Décision que le général Poncet, qui
commandait alors la force Licorne, dit avoir
jugé incompréhensible.
On sait pourtant,
d’après les notes déclassifiées de la DGSE
et le dossier d’instruction, que l’armée
française avait suivi de A à Z, en vidéos et
en photos, l’arrivée et l’installation de ces
mercenaires et qu’elle disposait donc de
ces informations avant même le début des opérations militaires. Quant à l’absence
de base juridique, les autorités françaises
pouvaient s’appuyer sur la loi Pelchat
qui réprime l’activité des mercenaires, le
Code de justice militaire prévoyant que
sont justiciables tous auteurs ou complices
d’une infraction contre les forces armées
françaises, et enfin le Code pénal, qui prévoit
que la loi pénale française est applicable à
tout crime commis par un étranger hors
du territoire lorsque la victime est de
nationalité française.
Tant d’amateurisme
est confondant. A moins que cela ne soit un
manque de volonté patent. Surprenant alors
que neuf soldats français sont morts.
Le jour du bombarbement, quinze autres
mercenaires avaient été interceptés, retenus
quatre jours et auditionnés par les forces
spéciales françaises, mais, toujours selon
Alliot-Marie, cette audition n’avait pas
porté « au fond » en l’absence de procédure
judiciaire. Peut-être ont-ils discuté de la
pluie et du temps ou fait une belote ?
Dix jours après les bombardements, huit
Biélorusses étaient arrêtés au Togo, placés
en garde à vue, tenus à la disposition des
autorités françaises... et finalement relâchés
sans autre forme de procès à la demande
express de ces dernières ! Michèle Alliot-Marie avait affirmé que la France n’avait pas,
à l’époque, d’informations suffisamment
précises pour exiger du Togo qu’il garde
prisonniers des mercenaires : « Les analyses
et les recoupements, nous ne les avons eus
qu’après » explique l’ancienne ministre de
la Défense au juge chargé de l’enquête, « et
ils n’ont conduit qu’à des présomptions que
des pilotes pouvaient peut-être se trouver
dans ce groupe. »
Pourtant, l’officier de la DGSE au Togo
disposait des photocopies des passeports
des deux pilotes remis par les autorités
togolaises. Au bout du compte, les
mercenaires de l’Europe de l’Est se sont
évanouis dans la nature et n’ont jamais été
retrouvés. Mais peut-être était-ce le but
de tant d’efforts et de mensonges ? Que
fallait-il cacher ? Une provocation montée
de toutes pièces pour stopper l’offensive de
l’armée ivoirienne et déposer le président
d’alors, Laurent Gbagbo, et qui aurait mal
tourné ?
En résumé, MAM n’a rien vu, rien entendu
et rien compris. Etonnant pour une élue
qui a la réputation de maîtriser ses dossiers
et capable, par exemple, de connaître la
moindre ornière d’un quartier excentré de
sa ville de St-Jean-de-Luz.
Ce qu’il faut aussi constater, c’est que la
Cour de justice de la République n’est
surtout pas prête à juger un ancien ministre
français pour un fait aussi grave qu’une
complicité d’assassinats.