C’est décidé, François Hollande aura, comme ses prédécesseurs, « son » sommet France-Afrique, annoncé à Paris à la fin de l’année 2013. Le thème retenu est « la sécurité », avec en toile de fond la lutte contre le terrorisme, alibi commode pour relégitimer durablement la présence militaire en Afrique.
L’annonce a été faite par François Hollande lui même lors de son intervention au sommet du Cinquantenaire de l’Union africaine (UA) à Addis Abeba le 25 mai, où il a convié les pays africains à un Sommet sur la paix et la sécurité sur le continent qui sera organisé à Paris en décembre.
Convoqué serait le terme le plus approprié tant le projet proposé par le président français paraît avoir émergé sans concertation avec ses pairs, mis devant le fait accompli. Le relent colonial de cette annonce, au cœur d’une cérémonie supposée consacrée la maturité et l’indépendance de l’Union Africaine, a été relevé par plusieurs médias, notamment africains, RFI évoquant dans un article du 27 mai une initiative « diversement accueillie », parlant d’une « maladresse » et d’un « couac de communication ».
François Hollande était du reste le seul chef d’État européen à prendre la parole à ce sommet. Une curiosité dans le programme qui n’a pas alerté grand monde tant on est désormais habitué à voir Hollande parader au milieu de chefs d’État africains et prendre la main sur des dossiers les concernant, à l’Élysée bien sûr, où les dictateurs ont pris leurs aises, au sommet de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) à Kinshasa en octobre, à la tribune de l’ONU à New York, en septembre, à la Conférence des donateurs pour le Mali, à Bruxelles, le 15 mai. Un brin grandiloquent, Hollande a défendu sa présence à la tribune de l’UA, destinée selon lui à « évoquer l’avenir, l’avenir de l’Afrique, l’avenir de la relation entre la France, l’Europe et l’Afrique, et donc l’avenir du monde ».
L’intitulé thématique de ce qui est pour l’instant présenté comme une « Conférence » ne trompe personne, c’est bien l’organisation d’un véritable sommet Afrique-France qui se prépare. Sans doute stimulé par la « concurrence » (5 sommets Chine-Afrique organisés depuis 2006, ive sommet Europe Afrique annoncé à Bruxelles en 2014), Hollande n’a visiblement pas souhaité rompre avec la tradition des « expositions coloniales » de ses prédécesseurs, pourtant fort décriées.
C’est même une nouvelle fois en France, pour la troisième fois consécutive (Cannes en 2007, Nice en 2010), et non en Afrique que ce xxvie sommet se tiendra, en contradiction avec la règle d’alternance instituée. Des mésententes sur les relations avec le Soudan de Bechir, avaient empêché la tenue du sommet au Caire en 2010, rencontre déplacée sur la Côte d’Azur. Présentée par Nicolas Sarkozy en 2010 comme le pays hôte du futur sommet, l’Égypte a ensuite, on le sait, connu une révolution ayant mis fin au pouvoir de Hosni Mubarak.
Si l’on en croit certaines informations (Jeune Afrique du 10 mai), le président égyptien Mohamed Morsi pourrait toutefois se voir confier la co-présidence du sommet de décembre. Ironie de l’histoire, le dernier sommet France Afrique organisé en Afrique dans un pays « stable » s’était tenu au Mali, en 2005.
Peu explicite à la tribune de l’UA sur les objectifs précis du futur sommet, Hollande en avait dit un peu plus aux journalistes quelques minutes plus tôt, évoquant « l’idée que nous pourrions, avec les Européens former, entraîner, équiper, appuyer les armées africaines [...]c’est une coopération sur l’ensemble du continent qu’il convient d’engager pour permettre aux Africains d’être maîtres des décisions qui les concernent, notamment en matière de sécurité. »
Nous voilà donc renvoyés quinze ans en arrière, quand Jacques Chirac avait fait de la sécurité le thème central du sommet France-Afrique du Louvre, sur fond de guerres dans les deux Congo, en 1998, chargeant le général togolais Eyadema de présider les travaux. Un nouveau concept de coopération militaire, le programme Recamp (Renforcement des capacités de maintien de la paix) avait alors été officiellement lancé, avec pour ambition d’aider les États africains à mettre en place des organisations régionales et sous-régionales de sécurité et de maintien de la paix, avec l’appui de la France. Survie et Agir Ici avaient alors organisé un contre sommet intitulé « Sécurité au Sommet, insécurité à la base » dont les actes, publiés dans la collection des Dossiers Noirs (Éditions l’Harmattan), mériteraient d’être relus pour prendre la mesure de la continuité à l’œuvre en matière d’interventions militaires françaises en Afrique.
Nul besoin à ce stade d’épiloguer sur le bilan de Recamp et des multiples programmes de formation et de coopération militaire menés, depuis, par la France sur le continent. L’intervention au Mali a rappelé qu’ils n’ont jamais eu pour véritable objet de limiter l’influence militaire française sur le continent mais bien de la renforcer, en augmentant la capacité de mobilisation de forces supplétives africaines. Mais cette omniprésence française n’est pas sans faire grincer quelques dents. « Il est vraiment dommage que cinquante ans après notre indépendance, notre sécurité dépende à ce point d’un partenaire étranger », déclarait le 27 mai le commissaire à la paix et à la sécurité de l’UA, Ramtane Lamamra, cité par l’AFP.
La mise en place d’une capacité africaine de réaction immédiate aux crises a été annoncée, à Addis Abeba, alors que la création d’une Force africaine en attente, annoncée depuis des décennies n’est toujours pas en vue. Face aux échecs des organisations africaines à s’organiser militairement, la France parvient sans peine à garder la main et donner le tempo.
La veille de son discours à Addis Abeba, Hollande rappelait à l’Institut des hautes etudes de défense nationale sa fierté de voir les troupes françaises sollicitées pour intervenir sur divers conflit dans le monde entier. Evoquant sa stratégie pour le Sahel il annonçait « nous resterons au Mali et autour du Mali. Parce que nous n’en avons pas terminé avec le terrorisme. ». La lutte contre le terrorisme est on le sait le nouvel argument pour justifier la présence militaire française en Afrique. Sans surprise, ce thème est annoncé comme un sujet central du futur sommet de Paris.