Survie

La guerre, c’est la paix. Le pillage, c’est l’aide. L’ignorance, c’est la force.

rédigé le 5 janvier 2014 (mis en ligne le 13 janvier 2014) - Odile Tobner

On est frappé par la sauvagerie et l’archaïsme qui marquent nos
relations avec nos « anciennes » colonies d’Afrique francophone, où
le recours à la force constitue toujours l’alpha et l’oméga.

En
entendant Hollande affirmer lors de ses voeux à la nation que les
interventions de l’armée française en Afrique n’avaient d’autre but que d’y
ramener la paix, on croyait revoir Guy Mollet défendre la « pacification » de
l’Algérie. Rien d’étonnant, puisque la loi de programmation militaire qui
vient d’être votée rend à nos militaires les « pouvoirs spéciaux » qu’ils
avaient reçus du gouvernement SFIO de Mollet et Mitterrand pour « pacifier
 » l’Algérie – en réalité pour y pratiquer en toute impunité tortures et
exactions, avec le succès que l’on sait. Déploiements de troupes dans des
pays en proie à des troubles civils, soutien à des dictatures compradores,
déstabilisations sournoises et corruption, voilà à quoi se résume notre
politique africaine, et le fait qu’elle se revête depuis l’opération Licorne des
habits du droit international ne change en rien à son caractère foncier : la
violence.

Durant ce temps, la Grande-Bretagne a su nouer avec un
Commonwealth profondément renouvelé des relations civilisées. Même un
pays comme la Chine, dont les médias français dénoncent sans relâche
l’expansion en Afrique, tisse des liens avec la société civile africaine via
une politique généreuse d’octroi de visas et de bourses aux étudiants
africains, bien éloignée de la crainte obsessionnelle de la démographie
africaine qui marque nos rapports avec les migrants venus d’Afrique. C’est
que nos médias de masse abreuvent l’opinion française d’une propagande
négrophobe destinée à justifier le recours à la violence en faisant des
habitants de ces pays un ramassis de brutes à réduire par le feu et à tenir
sous le joug de dictatures bestiales. Ils nous pilonnent sans relâche de
bavardages de prétendus experts transpirant le racisme et d’images de
masses africaines se livrant à des lynchages, sans jamais donner la parole
aux citoyens maliens, camerounais, togolais, centrafricains, qui sont
pourtant nombreux à parler parfaitement notre langue, hormis pour
exprimer une position de stricte vassalité à la politique françafricaine.

Verrouillé par cette idéologie négrophobe qui justifie en dernière analyse
l’exploitation brutale de l’Afrique francophone, notre pays est
définitivement incapable de considérer les femmes et les hommes de ces
pays comme des citoyens avec lesquels instaurer un dialogue politique.
Tout autant imprégnés de cette négrophobie dans laquelle ils macèrent,
nos dirigeants enfoncent notre pays dans une guerre généralisée contre
l’Afrique francophone, aux dépens de tout autre projet collectif – toutes nos
politiques publiques sont en décadence, à commencer par notre système
d’éducation, de moins en moins performant – et pour quel bénéfice ? Les
intérêts que l’establishment politico-militaire drogué à la violence prétend
défendre en Afrique ne sont en rien nationaux puisqu’ils sont ceux de
multinationales qui ne paient d’impôts ni dans les pays dont ils exploitent
les ressources, ni même en France. Même les groupes particuliers qui dans
ces pays avaient fondé quelque espoir sur l’intervention de la France se
retournent peu à peu contre elle quand ils comprennent qu’ils ont été joués
– c’est le cas en Côte d’Ivoire, et déjà au Mali et en Centrafrique.

En poursuivant dans la violence une histoire commune commencée dans
la violence, ce n’est pas tant l’avenir de l’Afrique que celui de la France que
notre gouvernement compromet, d’une façon peut-être définitive.

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 231 - janvier 2014
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