Survie

La voix des armes, le degré zéro de la politique

rédigé le 5 janvier 2014 (mis en ligne le 13 janvier 2014) - Odile Tobner

On peut lire dans le Courrier
international
de ce mois ce commentaire :
« Hollande précurseur en Afrique : Le
président français invente une nouvelle
manière d’intervenir dans des pays
étrangers : par une action modérée,
reposant sur le droit international et le
consentement des Etats concernés
 ».

En fait de nouveauté c’était déjà la
posture de Jules Ferry, sous le patronage
duquel Hollande a mis sa présidence. Il
s’agissait de « civiliser » les peuples
inférieurs. Le traité de Berlin en 1885
fonda l’entreprise en Droit international.
Depuis le langage n’a jamais changé.

Toutes les guerres coloniales ont été dites
de « pacification » jusqu’aux appellations
actuelles telle celle de l’opération Licorne
en Côte d’Ivoire en 2002, désignée
comme opération de maintien de la paix
en accord avec l’ONU. Les interventions
prétendument new look de Hollande au
Mali et en Centrafrique ne dérogent pas à
cette longue tradition. Les nommer « 
actions modérées » est un étrange
euphémisme pour l’usage de la force
armée.

Lorsque le discours humanitaire est pris
en défaut il alterne avec celui de « nos
intérêts
 ». La contradiction n’a jamais
choqué personne, preuve que tout le
monde est persuadé que l’un et l’autre
sont interchangeables. Ce discours,
volontiers considéré comme réaliste,
manque
cependant de
précision. De
quels intérêts
s’agit-il
et à qui
appartiennent-ils
vraiment, en quoi
l’armée française
doit-elle
les
défendre ? Ce
n’est jamais
clairement
expliqué.

Sarkozy tenait
volontiers ce
discours.
Hollande utilise
l’un et l’autre.
Ainsi quand le
président Bozizé
fut menacé par la
rébellion et
demanda l’aide
de la France fin
2012 Hollande a
répondu que « les
forces françaises
sur place
n’étaient là que
pour protéger les
ressortissants et les
intérêts de l’Hexagone
 ».

La France ayant
des ressortissants à peu près dans tous les
pays du monde, il faudrait expliquer aussi
pourquoi on ne les protège par les armes
qu’en certains lieux. Quant aux intérêts,
chacun devra s’en faire une idée à son
gré. Quelques mois plus tard Hollande
décide une intervention armée pour des
motifs humanitaires en Centrafrique. Les
exactions des rebelles, qui n’étaient pas
nouvelles, deviennent tout à coup
intolérables.

Faut-il
comprendre qu’une
fois que la rébellion nous a rendu le
service de chasser Bozizé, il importe
maintenant de la réduire elle-même
pour
imposer le pouvoir qui nous conviendra ?

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 231 - janvier 2014
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