Survie

La stratégie du chaos ou l’impérialisme décomplexé

rédigé le 3 février 2014 (mis en ligne le 11 février 2014) - Odile Tobner

Les guerres de l’Otan menées à l’initiative des Etats-Unis en Afghanistan
et en Irak ont donné le signal du renouveau des guerres impériales au
XXIe siècle.

Elles sont à l’évidence le modèle des interventions que
l’armée française multiplie en Afrique depuis le bombardement de la la Côte
d’Ivoire et de la Lybie en 2011, surtout par deux aspects que les unes et les
autres partagent : vendues aux opinions publiques occidentales comme
ayant pour objectifs la paix et la démocratie, elles aboutissent
immanquablement à nourrir les dissensions civiles qu’elles étaient censées
apaiser. C’est ce qu’on observe actuellement en RCA, mais cela se vérifie
aussi, même si d’une manière moins éclatante, au Mali et en Côte d’Ivoire. Les
interventions de l’Otan ont toutes abouti à l’ensauvagement des sociétés
qu’elles étaient censées pacifier. Le précédent de l’intervention française au
Rwanda laisse craindre qu’il en sera de même en Afrique francophone.

Ce résultat ne saurait surprendre que ceux assez naïfs ou abêtis par le
pilonnage de la propagande pour croire que la guerre qui s’étend sous nos
yeux aurait réellement pour but d’établir la paix et la démocratie. Au contraire,
l’intervention guerrière rend nécessaires d’autres opérations armées, dans
un processus fou d’auto-engendrement de la guerre. La partition du Soudan
sous pression occidentale provoque une nouvelle flambée de la guerre civile.
Certains de nos dirigeants évoquent aujourd’hui la nécessité d’une nouvelle
intervention en Lybie, devenue le foyer ardent d’un ébranlement de toute
l’Afrique noire.

Hic fecit cui prodest : seul le capital sort renforcé de ce chaos généralisé.
Les pseudo-démocraties installées par des armées étrangères à coup
d’élections bidons n’auront garde de s’opposer aux volontés de leurs
parrains, et aux sociétés étrangères qui, arrivées à la suite des armées, se
partagent les lucratifs marchés de la reconstruction et tout ce que la
destruction des États offre comme opportunités : travaux publics de toutes
sortes, construction et gestion des infrastructures et des réseaux d’eau,
d’électricité, de télécommunications, et, last but not least, exploitation des
ressources naturelles. C’est là le fin mot des bombardements occidentaux et
du déploiement de tout l’arsenal de la guerre technologique : permettre au
capital d’étendre encore son emprise vampirique sur le monde, jusqu’à la
dernière goutte de pétrole, jusqu’au dernier gisement d’uranium, jusqu’à
l’ultime forêt vierge, jusqu’à la dernière parcelle d’humanité libre.

« Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage » : la
première décennie de ce siècle a plus que confirmé la phrase prononcée par
Jaurès en juillet 1914, quelques jours avant son assassinat, dans un discours
où il prophétise les massacres de masse qui vont ensauvager l’Europe
. Dans
ce discours, Jaurès accuse la politique coloniale de la France d’être un des
facteurs de « l’état des choses horrible où nous sommes » : de la même façon,
la politique guerrière des imposteurs qui gouvernent aujourd’hui la France en
se réclamant de lui nourrit la catastrophe dans laquelle nous nous enfonçons.

Certes, c’est aujourd’hui en Afrique, non plus en Europe, que s’accomplissent
des massacres de masse, mais ne nous leurrons pas : nous aussi, citoyens du
monde "libre", sommes de plus en plus soumis aux lois inflexibles de cette
guerre folle du capital : paupérisation croissante de nos sociétés, gavées de
faux biens destinés à nourrir le flux continu des déchets, réduction
irréversible des libertés élémentaires, bombardement ininterrompu d’une
propagande abrutissante, désespérance de nos jeunesses : quand le sang de
l’Afrique coule, c’est l’Occident qui devient fantôme.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 232 - février 2014
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