Pierre Péan vient de faire reparaître en
collection de poche Noires fureurs, blancs
menteurs, son livre paru en 2005... sans
en changer une virgule.
Nulle préface ou
postface pour informer le lecteur des
développements survenus depuis cette
date, développements qui invalident la
thèse centrale de l’ouvrage : la
responsabilité supposée du FPR de Paul
Kagame dans l’attentat du 6 avril 1994, et
donc dans le génocide des Tutsi.
Car pour
celui qui bénéficiait encore il y a peu
d’une réputation bien usurpée de
journaliste d’investigation indépendant et
courageux, l’attentat n’est pas le prétexte,
le détonateur d’un génocide prémédité et
préparé, il en est la cause. Pour Péan et
son éditeur (Fayard), le récit d’Abdul
Ruzibiza, le principal témoin du juge
Bruguière, n’a donc pas été réfuté depuis
2005 : c’est toujours un commando FPR
qui a abattu l’avion du président
Habyarimana depuis Masaka. Les
rétractations de Ruzibiza et le rapport
remis au juge Trévidic concluant à un tir
depuis le camp militaire de Kanombe
(voir notre article), tenu par les
militaires extrémistes, sont escamotés.
Le
lecteur retrouve avec écœurement les
habituels procédés négationnistes :
minimisation du nombre des victimes,
lorsque Péan fait dire à un témoin à qui un
responsable « a donné les vrais chiffres »,
mais sous couvert d’anonymat bien
entendu, que seuls 280 000 Tutsi auraient
été tués ; thèse du « double génocide »
quand l’auteur écrit qu’un million de Hutu
auraient péri à cause du FPR.
Les
allégations
diffamatoires
concernant
journalistes, chercheurs et militants, sont
réimprimées telles quelles, de même que
les jugements racistes sur les Tutsi, pour
lesquels Péan avait été poursuivi et
malheureusement relaxé.
Le mépris du
public dont font preuve les éditions de la
collection Pluriel en rééditant ce livre
mensonger est tout à fait scandaleux. Le
négationnisme est une plante d’autant plus
difficile à extirper qu’il est alimenté par
certaines maisons d’édition. Souhaitons à
ce livre de finir au pilon.