Survie

De quoi le Djihad est-il le nom ?

rédigé le 30 septembre 2014 (mis en ligne le 12 octobre 2014) - Odile Tobner

L’Ennemi nouveau a un nom, le Djihad, fourre-tout médiatique
subsumant les conflits les plus divers, guerres civiles, résistances
nationales, attentats ou coups de folie individuels. Le Djihad est
une nébuleuse dont la circonférence est partout et le centre nulle part.
Alors que chacun de ces conflits se nourrit d’antagonismes locaux entre
des forces économiques et sociales spécifiques, le bombardement
médiatique qui accompagne immanquablement chaque nouveau
déploiement de l’impérialisme les objective en un projet global.

C’est que le Djihad est d’abord un concept fonctionnel, qui permet à la
croisade occidentale de porter la guerre partout, en Libye, au Mali, en
Centrafrique, en Somalie, en Syrie, en Irak. Quelques décapitations
soigneusement mises en scène, et voilà les opinions occidentales
soutenant des bombardements qui font des milliers de victimes
innocentes. À Dieu de reconnaître les siens dans cette masse suspecte,
coupable de prétendre vivre sur des territoires d’où l’Occident tire le
nutriment de sa puissance sous forme de pétrole, d’uranium et autres
irremplaçables aliments. Pour un pays africain, posséder des ressources,
avérées ou potentielles, est le plus sûr moyen de se retrouver en proie au
Djihad.

Le Djihad est le nom d’une recolonisation directe de ces pays par le
biais de l’implosion des États post-coloniaux. Désormais l’impérialisme
ne se contente plus de contrôler des États-sujets nés de la
décolonisation, le peu de souveraineté qu’ils conservent semblant
encore un obstacle excessif à son insatiable besoin de domination. A la
faveur de troubles ethniques ou religieux nourris en sous-main voire
suscités – le cas de l’Irak est éclatant à cet égard –, il s’agit de reprendre
pied militairement dans ces territoires et de redessiner au bénéfice des
puissances occidentales des frontières pourtant intangibles selon le droit
international. La Libye, détruite par des bombardements libérateurs,
n’est plus qu’un conglomérat de chefferies, qu’on bombardera à leur tour
au nom du Djihad.

Au prétexte du Djihad, des conseillers militaires anglais et américains
ont pris en main la défense du Nigeria. Au prétexte du Djihad, la France
pérennise sa présence militaire en Françafrique via le dispositif
Barkhane, qui couvre cinq pays du Sahel : Mauritanie, Burkina Faso, Mali,
Niger, Tchad ; au prétexte du Djihad elle nourrit le chaos centrafricain et
guette les défaillances de l’État au nord du Cameroun. Ces pays sont
d’autant plus vulnérables que leurs classes dirigeantes compradores
n’ont songé, en fait de construction nationale, qu’à se remplir les poches.
Le Djihad leur rappelle utilement à qui elles doivent leur existence et qui
est seul en mesure d’endiguer le raz de marée des miséreux qui menace
de les submerger. Les voilà guéries de leur prétention à la souveraineté,
implorant humblement le retour du sabre colonial.

Le Djihad infuse le vieux cadre françafricain, que d’aucuns disaient
périmé voire défunt, du sang neuf, au propre comme au figuré, d’un
ennemi polymorphe. Selon la vision prophétique d’Orwell : « Il ne s’agit
pas de savoir si la guerre est réelle ou non. La victoire n’est pas possible.
Il ne s’agit pas de gagner la guerre mais de la prolonger indéfiniment.
Son objectif n’est pas de vaincre, mais de garder la structure sociale
intacte.
 ». Tel est le vrai Djihad, la véritable guerre globale, menée au
nom du Veau d’or, le dieu le plus sanguinaire que l’homme ait jamais
inventé.

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 239 - octobre 2014
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