Survie

Peur au Cameroun

rédigé le 1er octobre 2014 (mis en ligne le 28 novembre 2014) - Billets d’Afrique et d’ailleurs...

Le dernier foyer actif de la guerre aux cent
visages attribuée au Djihad flambe au nord
du Cameroun, qui s’enorgueillissait d’une
stabilité maintenue par une dictature à poigne
depuis un demi-siècle.
Le débat fait rage sur
la réalité de l’implication de Boko Haram, la
rébellion « islamiste » du nord-ouest
du
Nigeria, limitrophe du Cameroun.

Les
derniers enlèvements et attaques au nord du
Cameroun n’ayant pas été revendiqués par ce
mouvement, la thèse d’une rébellion nordiste
endogène se développe. Le souvenir de la
tentative de coup d’État de 1984, deux ans
après l’arrivée au pouvoir de Paul Biya, refait
surface. Ourdi par des militaires nordistes,
dont Guérandi Mbara, le complot fut
férocement écrasé dans l’œuf.

La rumeur que
cet ex-capitaine,
rescapé et installé au
Burkina-Faso
depuis trente ans, aurait été
enlevé et assassiné en janvier 2013 par la
police de Biya, fait l’objet d’un scoop tardif
dans Jeune Afrique (22/09/14). Le scénario
rocambolesque de cet enlèvement est très
peu crédible, mais amène à se demander où se
trouve Guerandi Mbara.

La rumeur court
même que Paris aurait pris langue avec une
telle rébellion, amenant l’ambassade de
France à publier un démenti officiel – et
alimentant au passage la propagande du
régime qui fait passer Biya pour une victime
de l’ingérence française. Les tenants de cette
thèse pointent le nordiste Marafa Hamidou
Yaya, ex-ministre
et ex-Secrétaire
général de
la Présidence. Arrêté en 2012 et condamné
pour "complicité intellectuelle" d’un
détournement de fonds, il est considéré
comme un prisonnier politique par les USA et
bénéficie d’un comité de soutien très actif à
Paris. Bouc-émissaire
facile ou atout de
l’ingérence occidentale ? Le débat reste
ouvert.

Un mouvement armé centrafricain
s’invite dans cet imbroglio. En septembre, les
hommes d’Abdoulaye Miskine, détenu au
Cameroun où il avait été arrêté il y a un an, ont
en effet enlevé des otages camerounais pour
exiger sa libération, et ont attaqué l’armée à la
frontière nord-est.
En attendant, les notables désertent le Nord,
où le chef de l’État n’a pas mis les pieds depuis
belle lurette, abandonnant les populations à
leurs peurs. Biya n’a même pas daigné
interrompre sa villégiature suisse en août
pour assister aux obsèques des vingt cinq
militaires tués dans des attaques dont celle,
emblématique, de la résidence d’un ministre.

De retour début septembre, Biya a comparé la
situation dans le Nord à la guerre contre les
maquis nationalistes dans les années 60, au
mouvement démocratique des villes mortes
en 1991 et aux émeutes urbaines de 2008
contre la modification de la Constitution : un
appel à l’unité autour de lui, qui sonne comme
un aveu sur la fragilité du régime.

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 239 - octobre 2014
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