Survie

La guerre tue toujours

rédigé le 3 février 2015 (mis en ligne le 10 mars 2015) - Gérard Moreau

Depuis début janvier, chaque semaine apporte son lot de victimes au nord du Mali. Ni Serval et ni Barkhane, les deux opérations françaises, ni les Casques bleus de la MINUSMA n’ont ramené la paix.

Rappel préalable

En 2012, les groupes séparatistes prennent le contrôle du nord du Mali. Début janvier 2013, prétextant une menace pour la capitale Bamako, la France lance une opération militaire de reconquête, baptisée Serval. Depuis août 2014, celleci est officiellement remplacée par l’opération Barkhane, déployée sur 5 pays sahéliens. Parallèlement, l’ONU a déployé deux missions successives : d’abord la MISMA, remplacée ensuite par la MINUSMA, toujours en place.

La guerre continue au nord du Mali. Le 1er janvier 2015, le maire de la commune d’Anderaboucane et l’un de ses fils ont été victimes d’une attaque de groupes armés. Le lundi 5, onze soldats maliens ont été tués lors d’une attaque au camp de Nampala. Dans la nuit du 6 au 7 janvier, la localité de Dioura a été attaquée par des groupes armés qui ont saccagé et incendié les locaux de la mairie et de la sous-préfecture. Au moins deux soldats maliens ont été tués, ainsi que six assaillants. Et la liste des victimes s’allonge, un casque bleu le 17 janvier, 3 soldats maliens le 24…

Le 17, c’était lors d’une attaque en règle des groupes armés contre le camp de mission des Nations-Unies, la MINUSMA, à Kidal, considéré comme un des fiefs du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA). Selon RFI (17/01), « c’est la première fois que les forces de la Minusma interviennent aussi énergiquement pour repousser une attaque ». Le 20, les soldats néerlandais de la MINUSMA ont mené un raid aérien contre le MNLA à Tabankort, au nord de Gao, nouveau point de fixation des combats entre les milices pro-gouvernementales (regroupées au sein du Gatia) et les groupes armés séparatistes.

Jeu ambiguë de la MINUSMA

La population qui soutenait la MINUSMA ne sait plus trop sur quel pied danser. Le 20 janvier, une manifestation de soutien aux « autorités gouvernementales et aux forces étrangères de sécurité (MINUSMA, BARKANE) » a ainsi été organisée à Gao par les représentants des milices pro-gouvernementales et de la société civile, pour défendre également « le Mali indivisible » (MaliActu.net, 23 janvier). Mais le 24 janvier, sans concertation avec le gouvernement malien, le représentant de la Coordination des mouvements de l’Azawad (qui rassemble les groupes armés séparatistes) et le représentant de la MINUSMA annoncent la signature d’un « accord pour l’établissement d’une zone temporaire de sécurité » sur un secteur d’affrontements tenu par les milices pro-gouvernementales. Pour une bonne partie de la population, cet accord constitue un soutien de la mission onusienne aux groupes armés indépendantistes, puisqu’il « obligera les groupes armés loyalistes à désarmer ou à abandonner leurs positions », selon une source administrative locale citée par l’AFP (27/01). Le soutien affiché quelques jours plus tôt à la MINUSMA s’est alors transforme en hostilité : le 27 janvier, une nouvelle manifestation a eu lieu à Gao, cette fois contre la MINUSMA ! Ne parvenant pas à disperser la foule qui commençait à envahir leur camp, les casques bleus ont tiré sur les manifestants, faisant trois morts, et amenant un journaliste malien à écrire : « Les deux poids deux mesures de la Minusma : On fuit les assaillants à Kidal…… et on tire sur les populations à Gao » (MaliJet, 27/01).

MINUSMA et Barkhane au service de la même politique ?

Si le représentant de l’ONU au Mali est Hamdi Mongi, diplomate tunisien, le chef d’état-major de la MINUSMA est un officier français, le général Christian Thiébault. L’accord qui a mis le feu aux poudres, créant la « zone temporaire de sécurité » porte sa signature.

Dans un communiqué du 28 janvier, le gouvernement malien prend une position très claire : « Ce jour mardi 27 janvier 2015, les populations de Gao ont participé à une marche de protestation contre la décision d’un accord signé entre la MINUSMA et certains groupes armés, en vue d’établir une zone temporaire de sécurité dans le secteur de Tabankort. (…) Cette décision a été perçue comme défavorable au processus de paix et de réconciliation en cours. (…) Le Gouvernement rappelle que l’une des missions essentielles de la MINUSMA est la protection des populations civiles. Le Gouvernement, après avoir reçu les responsables de la MINUSMA, se félicite de leur décision de retirer ledit document ».

Si la guerre se poursuit, c’est que les armes ne construisent pas de solution politique. Les négociations d’Alger, destinées à trouver les bases politiques de la paix, semblent au point mort. L’actuel « projet d’accord pour la paix et la réconciliation au Mali » peut difficilement faire consensus. Le mot « Azawad » y figure, le texte mentionne une « révision de la Constitution » du Mali, « une architecture institutionnelle et de développement permettant aux populations du Nord de gérer leurs propres affaires sur la base du principe de libre administration ». Autrement dit, les groupes indépendantistes peuvent y trouver aisément leur compte. Les défenseurs de l’unité malienne, beaucoup moins.

En janvier 2013, le président Hollande soulignait que la mission des forces françaises était désormais de « permettre aux forces africaines de donner au Mali une stabilité durable » et que la France n’a pas vocation à rester au Mali. Si les victimes de la guerre pouvaient parler…

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 243 - février 2015
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