Survie

Le général Diendéré à la manœuvre

rédigé le 2 mars 2015 (mis en ligne le 17 septembre 2015) - Billets d’Afrique et d’ailleurs...

Après quelques semaines d’exil au
Maroc, le dictateur déchu du
Burkina Faso, Blaise Compaoré,
est revenu mi­-février s’installer en Côte
d’Ivoire, où il avait déjà trouvé refuge
dans les premières heures suivant son
renversement par l’insurrection populaire
de fin octobre. Jeune Afrique (17/02)
apporte un témoignage de toute première
importance pour comprendre les
motivations de l’ancien dictateur. Selon
« un diplomate africain », «  la vie au
Maroc ne plaît pas trop au couple
Compaoré. Au début, Chantal Compaoré
ne trouvait pas la résidence qui leur avait
été affectée à son goût, elle avait
entrepris de refaire toute la décoration et
des aménagements
 ». Rien à voir donc
avec l’envie de Blaise Compaoré de se
rapprocher du Burkina pour tenter de
refaire la décoration couleur kaki...

Pourtant, selon le même Jeune Afrique
(28/02), il reste en contact avec son
ancien chef d’état­-major particulier,
Gilbert Diendéré, souvent présenté
comme le patron de fait du fameux
Régiment de Sécurité Présidentielle
(RSP), dont il reste le mentor
incontestable. Ce bras droit de Compaoré
s’était affiché au premier rang, en
novembre, lors de la cérémonie
d’investiture du président de transition
Michel Kafando, qui, sous pression de la
rue, l’avait rapidement démis de ses
fonctions. Le gouvernement de transition
burkinabè ne s’est pour autant pas
débarrassé de lui et n’a pas dissout le
RSP, une revendication pourtant centrale
de la société civile. Par deux fois les
hommes du RSP ont empêché la tenue du
Conseil des ministres, fin décembre et
début février, demandant en vain la
démission du Premier ministre (issu de
leurs rangs et qui s’est engagé mi-décembre à dissoudre cet Etat dans
l’État), mais obtenant la nomination de
leur patron officiel, le Colonel Boureima
Kéré, comme nouveau chef d’état­-major
particulier du président. Un tortionnaire,
selon un récent témoignage sur une radio
locale rapporté par le site
www.thomassankara.net. Autre symbole
du verrouillage en cours, le successeur de
Kéré à la tête du RSP est le Lieutenant­
Colonel Moussa Céleste Coulibaly, ex­-aide de camp de Blaise Compaoré, qu’il a
accompagné dans sa fuite au Maroc et en
Côte d’Ivoire, et qu’on devine encore en
lien étroit avec lui.

Le général Diendéré, omniprésent, a
participé aux négociations lors de ce bras
de fer avec le pouvoir de transition. Cédant
à la pression de ce corps d’élite qui refuse
sa dissolution, le président de transition a
mis en place une commission chargée de
proposer une évolution du RSP. Mais
Diendéré a déjà expliqué que l’évolution ne
pourra pas se décider avant les élections
prévues au terme du processus de
transition, en octobre... auxquelles le bruit
court qu’il pourrait d’ailleurs être candidat.

Alors que le renversement de Compaoré
devrait le pousser à faire profil bas,
Diendéré renvoie étonnamment l’image,
arrogante, d’être incontournable. Selon les
propos d’un « militaire de haut rang »
rapportés par Jeune Afrique (22/02), « ce
serait du gâchis de ne pas profiter de ses
compétences et de ses contacts,
notamment avec les militaires français,
dont il reste un interlocuteur privilégié
 ».
Il a en effet eu, pendant 27 ans, le loisir de
tisser des liens étroits avec ses collègues
français (cf. Billets n°241, décembre 2014).

Mais il semble aussi avoir la faveur des
Américains. Selon burkina24.com (10/02),
un communiqué du service de
communication du RSP rapporte cette
anecdote : « Des Américains auraient dit :
"si vous n’en voulez plus, donnez­-le
nous... Il est l’un des rares officiers
généraux de la sous région qui maîtrise
autant les questions sécuritaires dans la
zone sahélo­-saharienne"
 ». De fait,
Diendéré était présent lors de l’édition 2015
de l’opération d’’exercices militaires
« Flintlock » organisée par les USA, cette
fois au Tchad. Des militaires de 28 pays y
ont participé, selon RFI (17/02) qui a
interrogé sur place... Gilbert Diendéré.

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 244 - mars 2015
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