Le vendredi 6 mars a eu lieu à Yaoundé
une cérémonie en hommage aux soldats
camerounais tués le 2 février, lors de
l’attaque par Boko Haram de la localité de
Fotokol au nord du Cameroun. Le 9 mars,
sur le site de la présidence camerounaise,
sous le titre « Le Chef de l’Etat rend
hommage aux soldats tombés au champ
d’honneur », une photo montrait Biya
s’inclinant devant les cercueils... ou plutôt
une grossière juxtaposition d’un cliché du
vieux dictateur et de celui, vraiment pris à
Yaoundé, des cercueils. Car le 6 mars,
Biya était en Suisse, « en voyage privé »,
selon la formule consacrée. Le montage a
aussitôt fait le buzz sur les réseaux
sociaux et la presse camerounaise s’est fait
l’écho de l’affaire, interprétée comme une
insulte aux soldats engagés au front. La
photo a été immédiatement retirée et le
10 mars, Issa Tchiroma, ministre de la
Communication jamais en mal
d’imagination, dénonçait une intrusion
informatique sur le site de la Présidence :
un hacker aurait fait ça pour nuire au
Président bien-aimé ! Le ministre avertit
au passage les journalistes d’avoir « plus
de circonspection, de discernement, de
sens critique et de responsabilité
citoyenne, dans l’appréhension et le
traitement de certaines informations dont
ils ont connaissance, et davantage,
lorsque de telles informations touchent au
domaine stratégique de la défense et de la
sécurité de l’État ».
Accuser un piratage informatique (qui
n’aurait commis que ce méfait !) est
grossier, puisque les exemples de
photomontages ne sont pas rares sur ce
site sauf qu’ils paraissaient jusque là
anodins. Le webmaster a probablement
péché par excès de zèle, habitué à devoir
faire croire que le Président est sur tous
les fronts. Toute la com’ de Biya, site
internet compris, est confiée à des
communicants français, notamment la
société de Patricia Balme. Mais il est
difficile, sur les Champs-Elysées à Paris,
de se rendre compte qu’à Yaoundé les
déplacements de Biya ne sont un secret
pour personne étant donné que la ville est
paralysée à chaque fois qu’il prend l’avion.
Les absences prolongées de Biya sont
d’ailleurs, depuis des dizaines d’années,
sujettes à commentaires satiriques. A
présent que le Cameroun est en guerre,
elles font scandale. Déjà le 28 août 2014,
pour une autre cérémonie d’hommage à
des soldats tombés lors des combats, Biya
n’avait pas jugé bon d’interrompre sa
villégiature genévoise. Si le Cameroun
était sa priorité, ça se saurait.