Tous les voyants sont au rouge au Burundi. En dépit d’une forte opposition intérieure, jusqu’au sein du parti au pouvoir, et des mises en garde répétées de différentes instances internationales, le président Nkurunziza vient d’être officiellement désigné par le CNDDFDD pour briguer un troisième mandat, en violation de la Constitution et des accords d’Arusha. Craignant les exactions commises par les forces de sécurité et les milices Imbonerakure, plusieurs milliers de Burundais ont déjà fui le pays. Les partis d’opposition et les organisations de la société civile ne désarment pourtant pas, multipliant les manifestations. Mais c’est la voie de la terreur que le clan présidentiel a choisi pour faire avaliser le maintien de Nkurunziza au pouvoir, et aux manifestations pacifiques risquent de succéder des affrontements armés.
Dans ce contexte, remarque la journaliste belge Colette Braeckman, « la réaction des Etats-Unis et de l’Union européenne, bien plus ferme de l’autre côté de l’Atlantique qu’à Paris ou Bruxelles montre la différence de perspectives : à propos de la candidature de Nkurunziza, les Américains parlent d’ "occasion manquée" pour la démocratie tandis que les Européens, certes "préoccupés" refusent de s’engager dans le débat constitutionnel. En cas de dérapage cependant, ils assurent qu’ils tiendront les autorités pour "personnellement responsables" de ce qui pourrait arriver, laissant ainsi planer la menace de sanctions aussi insoutenables que l’interdiction de voyager en Europe ou le gel d’avoirs dont on ignore même où ils sont logés... Tout cela ressemble fort au jeu du "pas vu pas pris". Si vous passez, quitte à tordre le bras aux accords d’Arusha ou à la Constitution, mais en préservant l’ordre public, on fermera les yeux. Si vous échouez, si la répression est trop média tisée et le désaveu trop général, vous ferez face aux sanctions. Autrement dit on vous jugera sur les effets, non sur les causes. (...) Face aux présidents qui veulent s’accrocher au pouvoir, et ils demeurent nombreux en Afrique, les peuples, décidément, ne peuvent compter que sur eux-mêmes... ».