Alors qu’Amnesty international publie un nouveau rapport sur l’usage systématique de la torture au Maroc, l’accord de coopération judiciaire qui avait permis à la diplomatie française de se rabibocher avec le royaume chérifien va être entériné en procédure accélérée malgré les protestations unanimes des organisations de défense des droits humains ou du syndicat de la magistrature.
L’accord prévoit, rappelons-le, de transférer à Rabat des plaintes qui auraient été déposées en France contre des ressortissants marocains, laissant le soin à la justice marocaine d’enterrer les dossiers politiquement sensibles. Il s’agissait notamment de ne pas voir se reproduire les plaintes pour torture et complicité de torture visant Abdellatif Hammouchi, directeur de la Direction générale de la sécurité du territoire (DGST) marocaine. Renée Koering Joulin, juriste, conseillère honoraire à la Cour de cassation et membre de la commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) se dit « accablée » par les nouvelles dispositions (La Croix, 11/05) « C’est un déni de justice (...) Cette procédure est contraire à nos engagements internationaux telle que la convention contre la torture de 1984 ratifiée par 156 États. »
Le principe de compétence universelle en matière de torture, s’en trouve en effet sérieusement malmené, comme celui du droit à un procès équitable. « La convention européenne des droits de l’homme nous interdit de renvoyer une victime ou un suspect vers un État qui ne garantit pas la tenue d’un procès équitable », rappelle la juriste. Les militants ou les victimes qui se risquent à porter plainte pour torture au Maroc sont en effet systématiquement attaqués et condamnés pour diffamation.
Enfin, « le texte constitue une rupture de l’égalité des citoyens devant la justice », ajoute-t-elle, la justice française étant compétente pour juger tout Français victime ou auteur de faits à l’étranger. La CNCDH a appelé les députés français à rejeter le texte. Le suspens est insoutenable...