Survie

Hollande au Cameroun

rédigé le 7 juillet 2015 (mis en ligne le 27 juillet 2015) - Odile Tobner

Le président français fait escale à Yaoundé le 3 juillet, après Cotonou et
Luanda. Cette visite, après celle de l’année dernière au Tchad,
confirme le renoncement de François Hollande à la moindre rupture
dans la politique françafricaine.

Pourtant le Cameroun ne brille pas par son
respect de la démocratie. Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, s’est arrogé
la présidence à vie lors de la dernière réforme constitutionnelle en 2008,
qui entraîna des émeutes dont la répression fit plus de 150 morts. Il ne
brille pas non plus par son respect des droits de l’homme. Une justice aux
ordres condamne à de lourdes peines de prison ceux qui critiquent le
pouvoir ou lui font de l’ombre. Déjà très limitée la liberté d’expression vient
d’être réduite à néant par la nouvelle législation anti-terrorisme qui
assimile le fait de manifester à un acte de terrorisme, puni de mort, et
qualifie d’apologie du terrorisme toute critique du régime.

Mais le Cameroun est une pièce maîtresse de l’influence française
en Afrique centrale. Si l’armée française n’y stationne pas
officiellement, elle y gère depuis dix ans, conjointement avec le
Cameroun, et finance annuellement à hauteur de 120 millions de CFA,
une école supérieure internationale de guerre, qui forme les cadres
supérieurs des armées d’Afrique francophone. Les officiers supérieurs
français qui l’encadrent sont également conseillers techniques des
chefs d’État-major de l’armée camerounaise. Cette armée, qui est aux
prises avec les incursions de Boko Haram dans le Nord, se fournit en
armements français.

Les multinationales françaises sont également très présentes au
Cameroun, où elles exploitent les plantations, le bois et le pétrole.
Bolloré possède toute la structure logistique de l’État camerounais,
avec le port de Douala, et les chemins de fer, qui assurent la desserte
terrestre vers le Tchad et la Centrafrique. Un consortium du groupe
Vinci s’est vu attribuer, de gré à gré après annulation de l’appel
d’offres, la construction du deuxième pont sur le Wouri, pour un coût
de 120 milliards de CFA, avec 86 milliards de financements français
(66 milliards de prêt AFD et 20 milliards de contrat de désendettement,
plus une rallonge de 30 milliards pour les annexes), qui reviendront
ainsi au bercail. Les Chinois proposaient de construire ce pont pour
65 milliards. Le franchissement du Wouri permet d’acheminer jusqu’au
port de Douala la production des vastes plantations, notamment
françaises, de la partie occidentale du Cameroun. L’opération est
triplement gagnante pour les entreprises et capitaux français.

Dans ces conditions Hollande ne pouvait pas refuser à Biya la caution
d’une visite amicale pour réparer l’affront de la préférence pour Déby
manifestée l’année dernière. Une campagne anti-française avait alors été
orchestrée par le pouvoir camerounais, qui criait au complot contre Biya. Il
est vrai qu’il y a longtemps que les USA ne considèrent plus ce despote
octogénaire, qui a laissé le pays se scléroser et qui s’est déchargé sur les
Chinois du soin de le sortir du sous-développement, comme "the right
man" pour ce bastion stratégique de l’Afrique Centrale. Sarkozy n’a jamais
daigné y mettre les pieds. L’indéfectible soutien de la France allait-il
manquer au régime qu’elle avait imposé dans le sang en 1960 contre la
revendication nationaliste et dont Rocard était encore il y a peu le
conseiller présidentiel attitré ? C’était mal connaître Hollande qui, en bon
apparatchik françafricain, a fait retoquer par Elisabeth Guigou, présidente
de la commission des affaires étrangères, le sévère rapport parlementaire
sur la politique africaine de la France qui blâmait ces accointances d’un
autre âge
.

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 248 - juillet-août 2015
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