Nono Théophile du Collectif Mémoire 60 réagit à la
promesse du président français de déclassification des
archives sur la guerre de décolonisation.
Pouvez-vous brièvement présenter
le Collectif Mémoire 60 ?
Le CM60 est une association créée à
Bafoussam en octobre 2009 par des
militants politiques pour faire valoir le
devoir de mémoire envers la lutte
indépendantiste occultée de l’UPC.
« 60 » cristallise cette date de l’histoire
du Cameroun en tant qu’année de
« l’indépendance ». Je suis un des trois
fondateurs du collectif dont j’assume le
secrétariat. Nous avons jusqu’ici organisé
quelques séances d’information
notamment destinées aux jeunes.
Comment les Camerounais ont-ils
accueilli
les déclarations de F. Hollande début juillet
à Yaoundé, sur la possible déclassification
d’archives ? Et que pense le CM60 de ces
annonces ?
Elles ont été très favorablement
accueillies. Le CM60 a publié un
communiqué largement repris par la
presse camerounaise pour appeler à la
création d’un comité multi-partite pour
reconstituer ce moment d’histoire. En
effet, les déclarations de Hollande
ouvrent une brèche et des perspectives
nouvelles, tant pour le pouvoir français
que son représentant camerounais et pour
les Camerounais en général. Pour peu que
nos compatriotes acceptent de se battre
massivement, nous allons pouvoir
arracher le droit de tout savoir sur ce qui
s’est passé. Ça fait quand même plus de
50 ans !
Faire cette annonce devant Biya était-il
opportun, pour le contraindre à se
positionner, ou malvenu, entraînant un
risque de récupération ?
Hollande était attendu au tournant. Donc
c’est une annonce bienvenue ! Qui plus
est, dans un contexte de sentiment antifrançais
absolu. Qu’il y ait récupération
tous azimuts de ses propos ne devient un
problème qu’à partir du moment où les
forces patriotiques prônant le devoir de
mémoire tel qu’il doit être sont hors du
coup. Savoir et pouvoir recentrer le débat
dans le bon sens est un des rôles clefs du
collectif.
Ces annonces ont-elles
entraîné d’autres
déclarations ou un débat public au
Cameroun, voire l’annonce d’ouverture
d’archives camerounaises ?
Oui, pour ce qui est du débat public, bien
que très mal posé avec le prisme
d’analyse tribal privilégié (lutte
indépendantiste = affaire des Bassas et
des Bamilékés). Il n’y a pas encore de
décision sur la divulgation des archives
essentielles. Encore moins sur leur
scandaleuse et pitoyable maintenance.
La rumeur court que Hollande souhaiterait
le départ de Biya, y compris en soutenant
indirectement des mouvements armés au
Nord. Qu’en pensez-vous
et comment
interprétez-vous
cette visite de Hollande à
Biya dans ce contexte
franco-camerounais actuel ?
Il y a beaucoup de spéculations sur les
relations Biya/Hollande. Je m’en tiens à
ceci : pour l’heure, le régime Biya
n’aliène en rien les intérêts français au
Cameroun. Je vois même une main du
régime Biya dans la remontée fulgurante
du sentiment antifrançais
ici avec
l’affaire Boko Haram. C’est une carte
cynique habile pour se positionner
comme meilleur interlocuteur. En
débarquant à Yaoundé, Hollande rassurait
donc Biya sur ses inquiétudes.