Des enseignements politiques sont
probablement à tirer de la sortie
médiatique estivale du dictateur tchadien
sur le franc CFA, que l’on imagine mûrement réfléchie.
Déby
est
probablement
conscient
que
les
revendications contre le franc CFA ne
sont
plus
seulement
l’affaire
d’économistes indépendants et de rares
militants ou dirigeants africains ayant à
cœur de défendre l’intérêt public et la
souveraineté. En effet, un nombre
croissant de relais d’opinion africains
posent de plus en plus ouvertement la
question la survivance de cette monnaie
coloniale.
Dire tout haut ce qu’une partie
de la rue et même des élites pense tout
bas renforce donc la réputation que Déby
tente de se construire depuis plusieurs
années, en envoyant des troupes aguerries
au Mali, en prenant la tête de l’offensive
contre Boko Haram. Et cela paraît
fonctionner, à grand renfort d’une
communication bien orchestrée par la
présidence
tchadienne.
Beaucoup
d’articles ou de réactions postées sur des
forums et autres blogs africains voient
fleurir les commentaires élogieux en
direction de Déby. Le 14 août dernier,
quelques jours après son discours sur le
CFA, le dictateur tchadien se voyait
même décerner par un jury de journalistes
issus 14 pays africains un trophée pour
récompenser sa lutte contre le terrorisme
et son œuvre en faveur de la paix (sic).
Comme Kadhafi ou Gbagbo en leur
temps sur des sujets similaires, Déby
tente de manifester une certaine
indépendance vis--àvis des anciennes
puissances coloniales,
sans toutefois
rechercher la rupture, afin de ne pas subir
le sort de ces derniers...
Pour se maintenir
au pouvoir Déby doit en effet conserver
le soutien de Paris, qui a largement
contribué à redorer son image à
l’international, et peser les risques
lorsqu’il instaure un rapport de force avec
les autorités françaises. Comme le
guinéo-équatorien Obiang l’avait fait en
2012, en pleine affaire des Biens mal
acquis, évoquer la création d’une
monnaie de remplacement au CFA peut
paraître un bon moyen de rappeler Paris à
son bon souvenir, à la veille d’une année
électorale charnière au Tchad.