Survie

« Paris-Alger, une histoire passionnelle »

rédigé le 1er septembre 2015 (mis en ligne le 30 septembre 2015) - Linda B.

Livre de Christophe Dubois et Marie-Christine Tabet, 15
avril 2015, édition Stock, 378 pages

Voilà un ouvrage dont le sous titre
tient les promesses. En démontrant
comment l’émotion toujours
influence la politique, les auteurs
enquêtent sur les tenants et aboutissants
d’une histoire commune unique. En
considérant les dates marquantes
officielles
et officieuses de
l’histoire
partagée par la France et l’Algérie, ils
dessinent les contours de la situation
particulière de la Françalgérie dans la
Françafrique. En traitant la question selon
les prismes politique, économique,
diplomatique et historique, Marie Christine
Tabet et Christophe Dubois
rendent compte de toute la complexité
des échanges, et de la fragilité de la
relation.

Cet état des lieux est absolument
nécessaire et actuel en cette ère
d’islamophobie, d’autant que la génération
d’expatriés des Français d’Algérie n’a pas
complètement disparu, et que certains de
ses héritiers sont dépositaires d’une
autorité locale ou nationale en France, à
l’instar d’Arnaud Montebourg ou de
Robert Ménard. Car cette histoire
commune fut marquée par la violence
dans les deux camps, une vision
manichéenne est complètement inadaptée
pour en rendre compte. C’est pourtant la
tendance majeure du côté algérien.
L’exemple de la difficulté qu’ont eue les
auteurs à interviewer l’ambassadeur
d’Algérie en France, Amar Bendjama, est
significatif. Il accepte un entretien après
de longues tractations, mais adopte une
posture de méfiance à l’égard des
journalistes : tout écrit sur l’Algérie
serait forcément partial et intéressé
politiquement.

Alors que la France tente de profiter de
son image de pays démocratique face à
une Algérie qui ne résiste pas, malgré sa
guerre de libération, à la mécanique
dictatoriale qui a cours dans les anciennes
colonies françaises en Afrique ; la
dissymétrie de la relation ne penche pas
seulement du côté algérien. La sphère
politique française entretient elle aussi
l’illusion d’une relation normale, en
servant aux peuples meurtris par cette
histoire commune (harkis, pieds noirs,
immigrés) une version partisane, souvent
dans un but électoraliste. Sans jamais
s’attaquer au tabou des 130 années de
colonialisme en Algérie, et trahissant
l’espoir d’une reconnaissance. De même,
le camp algérien surenchérit sur
l’insuffisance de la reconnaissance
française des douleurs de cette époque,
faisant valoir régulièrement sa
souveraineté (retrouvée en 1962), et en
mimant la posture de l’offensé à chaque
sortie hasardeuse d’un politique français,
jetant du sel sur les cicatrices du peuple
algérien par pure démagogie. Pour autant,
les tenants de l’exécutif algérien
n’hésitent pas à profiter de leur statut pour
bénéficier du système de santé et du parc
immobilier du pays offenseur. Alors
subitement la souveraineté n’a plus
cours !

Paris-Alger,
Une histoire passionnelle

fait donc toute la lumière sur ces
contradictions qui fondent la relation
entre l’Algérie et la France, aujourd’hui
encore polluées par l’affairisme,
l’instrumentalisation de générations
d’immigrés et une rancoeur tenace.

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 249 - septembre 2015
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