Livre de Christophe Dubois et Marie-Christine Tabet, 15 avril 2015, édition Stock, 378 pages
Voilà un ouvrage dont le sous titre tient les promesses. En démontrant comment l’émotion toujours influence la politique, les auteurs enquêtent sur les tenants et aboutissants d’une histoire commune unique. En considérant les dates marquantes officielles et officieuses de l’histoire partagée par la France et l’Algérie, ils dessinent les contours de la situation particulière de la Françalgérie dans la Françafrique. En traitant la question selon les prismes politique, économique, diplomatique et historique, Marie Christine Tabet et Christophe Dubois rendent compte de toute la complexité des échanges, et de la fragilité de la relation.
Cet état des lieux est absolument nécessaire et actuel en cette ère d’islamophobie, d’autant que la génération d’expatriés des Français d’Algérie n’a pas complètement disparu, et que certains de ses héritiers sont dépositaires d’une autorité locale ou nationale en France, à l’instar d’Arnaud Montebourg ou de Robert Ménard. Car cette histoire commune fut marquée par la violence dans les deux camps, une vision manichéenne est complètement inadaptée pour en rendre compte. C’est pourtant la tendance majeure du côté algérien. L’exemple de la difficulté qu’ont eue les auteurs à interviewer l’ambassadeur d’Algérie en France, Amar Bendjama, est significatif. Il accepte un entretien après de longues tractations, mais adopte une posture de méfiance à l’égard des journalistes : tout écrit sur l’Algérie serait forcément partial et intéressé politiquement.
Alors que la France tente de profiter de son image de pays démocratique face à une Algérie qui ne résiste pas, malgré sa guerre de libération, à la mécanique dictatoriale qui a cours dans les anciennes colonies françaises en Afrique ; la dissymétrie de la relation ne penche pas seulement du côté algérien. La sphère politique française entretient elle aussi l’illusion d’une relation normale, en servant aux peuples meurtris par cette histoire commune (harkis, pieds noirs, immigrés) une version partisane, souvent dans un but électoraliste. Sans jamais s’attaquer au tabou des 130 années de colonialisme en Algérie, et trahissant l’espoir d’une reconnaissance. De même, le camp algérien surenchérit sur l’insuffisance de la reconnaissance française des douleurs de cette époque, faisant valoir régulièrement sa souveraineté (retrouvée en 1962), et en mimant la posture de l’offensé à chaque sortie hasardeuse d’un politique français, jetant du sel sur les cicatrices du peuple algérien par pure démagogie. Pour autant, les tenants de l’exécutif algérien n’hésitent pas à profiter de leur statut pour bénéficier du système de santé et du parc immobilier du pays offenseur. Alors subitement la souveraineté n’a plus cours !
Paris-Alger, Une histoire passionnelle fait donc toute la lumière sur ces contradictions qui fondent la relation entre l’Algérie et la France, aujourd’hui encore polluées par l’affairisme, l’instrumentalisation de générations d’immigrés et une rancoeur tenace.