Dimanche 25 octobre on votait au Congo-B et en Côte d’Ivoire. Si
différentes que soient à première vue les deux votations,
référendum constitutionnel à Brazzaville, élection présidentielle à
Abidjan, elles partagent les mêmes caractéristiques, spécifiquement
françafricaines.
La première est la violence, ouverte ou larvée, qui précède le scrutin :
interdiction et répression armée des manifestations populaires, saisie ou
fermeture des journaux ou médias d’opposition, arrestations
d’opposants et de journalistes. La deuxième est la débauche de
propagande qui inonde à grands frais le pays et la disproportion
abyssale des moyens déployés par le pouvoir au regard d’une opposition
symbolique qui n’est là que pour faire de la figuration. La troisième est
que le résultat du vote est connu d’avance au point que le scrutin paraît
de pure forme, nombre de Congolais et d’Ivoiriens parlant de « farce »,
de « parodie », de « mascarade électorale ». La victoire du pouvoir en
place est en effet écrasante, 92,96 % pour Sassou Nguesso, 83,66 %
pour Ouattara. La quatrième enfin est que cette façade triomphale
dissimule mal l’abstention massive de populations moins indifférentes
que sans illusion sur la crédibilité des résultats. Les taux de participation
annoncés, 72,44 % au Congo, 52,86 %, en Côte d’ Ivoire font sourire ceux
qui ont constaté sur le terrain cette grève citoyenne. De tous les chiffres
truqués, celui de l’abstention est le plus truqué parce que sa vérité
signifierait clairement le désaveu majoritaire d’une population muselée
et prise en otage.
Mais obtenir l’assentiment d’une majorité des citoyens est un détail
oiseux dans une consultation françafricaine. C’est Paris qui décide de la
légitimité du pouvoir et c’est sur ce point que les scrutins congolais et
ivoiriens divergent quelque peu. Après avoir louvoyé – le quai d’Orsay se
contentant dans un premier temps de prendre note du résultat du
référendum congolais – Paris a estimé que les conditions dans
lesquelles ce référendum constitutionnel a été organisé dimanche au
Congo « ne permettent pas d’en apprécier le résultat, notamment en
termes de participation ». Ce lâchage public de Sassou par l’Élysée est
notable ; savoir si on passera des paroles aux actes, en suspendant
certains accords de coopération par exemple, est une autre question.
Pour l’élection ivoirienne par contre, Paris s’est conformé à la
procédure habituelle en Françafrique à l’égard des présidents amis et
Hollande a chaudement félicité Ouattara pour sa réélection, feignant
d’ ignorer que ce scrutin n’est pas plus crédible que le congolais. Mais le
régime ivoirien, installé militairement par la France en 2011, doit
absolument être sanctuarisé.
En matière d’arithmétique électorale certaines comparaisons sont
éloquentes. En Tanzanie, où on votait le 25 octobre, les listes électorales
comptent 23 millions d’ inscrits pour 49 millions d’habitants, soit presque
la moitié, alors qu’en Côte d’Ivoire ils sont 6 millions pour 20 millions
d’habitants, soit moins d’un tiers, alors que la pyramide des âges y est
analogue. C’est qu’en Françafrique les peuples ne croient pas en la
sincérité des élections et hésitent à s’inscrire pour des consultations
qu’ ils savent par expérience douteuses. Le changement par les urnes y
est beaucoup plus rare que dans le reste de l’Afrique, non que la
contestation des résultats soit absente ailleurs mais elle se règle, bien
ou mal, entre acteurs locaux. Tant est profonde la rupture creusée par le
poids écrasant de l’ ingérence française entre une classe
gouvernementale hors sol et le pays réel.