Survie

Le Guen en tournée

rédigé le 1er juin 2016 (mis en ligne le 21 juin 2016) - Thomas Bart

En visite au Togo et au Gabon, le Secrétaire d’État a respecté la coutume françafricaine.

Pour Jean-­Marie Le Guen, « le Togo est
un pays qui avance aujourd’hui
dans la stabilité, dans la volonté de
développement et cela ouvre toutes les
possibilités d’une coopération encore
renforcée entre nos deux pays
 ». Le
Secrétaire d’État auprès du Premier ministre
Manuel Valls et chargé des Relations avec le
Parlement emmenait au Togo les 13 et 14 mai
une petite délégation de trois députés
socialistes : François Loncle, David Habib et
Alain Calmette – lui-­même vice président du
groupe d’amitié France­-Togo. Parlait-­il plutôt
de la « stabilité » dans le recours à la violence
mise en place par l’ancien despote Eyadema
et que son fils, le dictateur Faure Gnassingbé,
qui l’a reçu au palais présidentiel, continue
d’utiliser sans ménagement ? Manifestants
pacifiques tués ou blessés par les forces de
sécurité, arrestations et détentions arbitraires
à l’encontre notamment de défenseurs des
droits humains... L’ONG Amnesty
International l’a d’ailleurs encore dénoncé
dans un nouveau rapport publié dix jours
avant cette visite.

« Très bon niveau »

Alors que cela faisait sept ans qu’aucun
ministre français n’était venu à Lomé, Le
Guen a expliqué que la « coopération entre la
France et le Togo est aujourd’hui d’un très
bon niveau
 » – une déclaration
abondamment citée dans la presse togolaise.
On veut bien le croire, lorsqu’on sait que
moins de dix jours avant, c’était André Vallini,
le Secrétaire d’Etat chargé du Développement
et de la Francophonie, qui avait fait le
déplacement à Lomé. Surtout, le « monsieur
Afrique » du gouvernement, le ministre de la
Défense Jean­-Yves Le Drian, s’y rendra lui
aussi prochainement, lors du sommet sur la
sécurité maritime organisé conjointement par
l’ONU et l’Union africaine à Lomé en octobre.
Devant des jeunes, Le Guen a expliqué qu’il
retenait « de tout cela que la coopération
entre la France et le Togo est porteuse de
projets pleins d’avenir
 » (AfreePress,
14/05
)... pour le soutien à la dictature
togolaise peut­-être, mais sûrement pas pour
un meilleur respect des droits des Togolais !

Transparence, tcha-tcha...

Puis après une escale rapide au Bénin,
c’est vers le Gabon que la délégation
emmenée par l’émissaire de M. Valls s’est
rendue. La rencontre entre Le Guen et Ali
Bongo a principalement porté sur la
prochaine élection présidentielle prévue à la
fin du mois d’août. C’est ainsi que la
présidence de la République – du président
élu « pas comme on l’entend », selon Manuel
Valls (cf. Billets n°254, février 2016) ­ a déclaré
que « Jean­-Marie Le Guen a souligné les
garanties fournies par le président de la
République gabonaise de la présence
d’observateurs étrangers au Gabon pour
témoigner de la transparence du scrutin
présidentiel
 ». Suite à ce communiqué, de
nombreuses voix gabonaises ont rappelé au
Secrétaire d’État que la présence d’obser­vateurs – qui souvent ne font d’ailleurs
qu’avaliser les mascarades électorales – ne
suffit pas du tout pour assurer une élection
transparente et juste. D’ailleurs, de nombreux
témoignages reviennent déjà sur les
tripatouillages du pouvoir en place par
rapport au fichier électoral (inscription de
mineurs, d’étran­gers, de personnes payées
par le parti au pouvoir, etc.). De plus le projet
de rassemblement dans un même immeuble,
et ce à l’extérieur de Libreville, du Ministère
de l’Intérieur, de l’Etat­-Major de la Police
Nationale et de la Commission Electorale
Nationale et Permanente (CENAP), ou encore
la militarisation croissante des rues, ne sont
que des signes qui montrent la préparation
du passage en force d’Ali Bongo. Cela aura
sans doute échappé à M. Le Guen !

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 258 - juin 2016
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