Un procès en diffamation intenté par des médecins militaires français (que des rescapés du génocide des Tutsis accusent d’avoir pratiqué des amputations abusives), vient utilement d’apporter la confirmation d’une autre accusation, plus générale, concernant l’opération Turquoise au Rwanda en 1994. En effet, dans les documents écrits qu’ils ont fournis, et à nouveau à l’audience, les médecins ont affirmé qu’ils ont fait de leur mieux le 30 juin 1994 face à l’afflux d’une centaine de blessés rescapés de Bisesero. Ils ont révélé qu’ils avaient été envoyés avec pour seule mission d’opérer en urgence d’éventuels soldats français blessés au combat, qu’ils n’avaient pas prévu de soigner de civils ni plusieurs dizaines de personnes, et n’avaient pas apporté de nourriture autre que des rations de combat. On ne voit donc à aucun moment d’indice que la hiérarchie de Turquoise ait préparé la prise en charge de victimes d’un génocide, alors qu’à cette date l’existence et la nature du génocide des Tutsis étaient connus du public et des responsables politiques et militaires français. Bien que le Premier ministre Edouard Balladur et les Nations unies aient officiellement autorisé une opération uniquement à but humanitaire, les témoignages des officiers médecins eux-mêmes révèlent ainsi au grand jour que Turquoise, jusqu’au 30 juin 1994, a été conçue comme une opération militaire.