En ce début d’année 2017, c’est une capitale malienne moribonde, assommée par des années de marasme et de tensions qui vient d’accueillir pour la deuxième fois le sommet des chefs d’État d’Afrique et de France. C’est ainsi qu’en avait décidé François Hollande, alors qu’il pensait être candidat à la présidentielle et ouvrir sa campagne par une célébration internationale de ses supposés succès militaires en Afrique, dans un pays symbole du retour d’une Françafrique martiale et triomphante.
Mais de quels succès parle-t-on ? Le bilan des opérations extérieures (Opex) françaises de ces dernières années n’est guère reluisant. Aucune situation n’est stabilisée dans les pays où la France a déployé ses soldats et la capitale malienne était un lieu bien mal choisi pour venir pavoiser. Bamako en 2017, c’est 2005 (année du dernier Sommet France-Afrique tenu sur le continent africain), en pire. Les frais engagés pour organiser le sommet grèvent le budget malien (avec emprunt obligataire à la clé), les infrastructures attendues ne concernent que les principaux axes et les lieux fréquentés par les délégations. Des belles villas construites pour l’occasion, de l’agrandissement des hôtels de luxe, des millions de CFA engloutis pour former des jeunes au protocole diplomatique, le peuple bamakois n’a rien vu, contentant de subir les inconvénients des travaux, le ballet des délégations bloquant la circulation sur les ponts, les fouilles incessantes de véhicules, la fébrilité des forces de l’ordre. Dire que ce sommet n’a déclenché aucun enthousiasme est un euphémisme. Partout dans le centre ville, les commerçants informels ont été « déguerpis » manu militari, suscitant de nombreuses protestations. « Villas de luxe et boulevards rénovés pour le Sommet Afrique-France, égouts qui débordent et nids de poules pour le sommet Mali-Mali », résumait sur un forum un bloggeur malien.
A quelques jours de l’ouverture du sommet, les rues de Bamako étaient encore étrangement vides de signaux annonçant l’événement. Serait-il devenu sensible de parler de la France dans la capitale malienne, quatre ans après le début de l’Opération Serval, cette « opération du cœur » vantée par un ambassadeur, et son déluge d’images de drapeaux français et de foules reconnaissantes orchestré par la communication élyséenne ? Oui, indiscutablement. Car si la France n’est pas la responsable de tout ce qui va mal dans la société malienne d’aujourd’hui, sur le plan militaire, politique et économique, elle a contribué à la perte de souveraineté du pays et au déficit de légitimité de ses dirigeants. Installés en hâte à l’issue d’un processus bâclé, embourbés dans une succession de scandales, ceux-ci n’ont pas su générer un renouvellement des élites, reconstruire un projet pour le pays et régler les tensions sociales et religieuses. La question du Nord n’est pas réglée, l’insécurité touche la plupart des régions et la capitale et des groupes d’attaque ou de défense à composante « ethnique » se développent. Des prédicateurs remplissent les stades, courtisés par les responsables politiques de tous bords. Malgré une croissance dopée par le cours de rares produits d’exportation, la pauvreté est toujours aussi visible dans une capitale qui n’en finit plus de s’étendre au rythme de l’exode rural. Dans les avions, les militaires étrangers ont remplacé depuis longtemps les touristes, en attendant de l’être par les sans-papiers refoulés, si le Mali signe avec l’Union Européenne l’accord de réadmission en cours de négociation, qui a suscité un mouvement de colère considérable dans le pays et dans la diaspora. Pendant ce temps, François Hollande, l’armée et le Medef étaient tout affairés organisé de leur sommet dédié à la promotion de l’ingérence française et de la diplomatie économique, déployée tous azimut pour gagner de juteux marchés subventionnés par l’aide internationale. Mais dans les rues bamakoises, et au cœur des mobilisations de la société civile organisés en marge du Sommet pour contester le néocolonialisme et l’arrogance française, cette fois, plus personne n’était dupe.