A force de cynisme, certains finissent par ne plus vivre dans le même monde. Jean-Claude Marin, nommé procureur général près la Cour de cassation par Sarkozy en 2011 est « un magistrat politique », pour reprendre le titre d’une enquête qui lui a été consacrée en 2015 par Michel Deléan (éditions Pygmalion), très sensible à la raison d’État et dont on ne compte plus les services rendus aux puissants. Dernièrement, n’a-t-il pas plaidé la relaxe pour Christine Lagarde, jugée (coupable, mais dispensée de peine...) par la Cour de justice de la République, la machine à blanchir les hommes de pouvoir ? Mais ce n’est pas cette affaire qui lui vaut ce mois-ci les honneurs de notre bulletin. C’en est une autre, passée presque inaperçue. Le 28 novembre dernier, cet honorable magistrat a reçu avec tous les honneurs Marie-Madeleine Mborantsuo et lui a remis une médaille de la Cour de cassation. Une cérémonie joliment illustrée sur le site de la Cour de cassation... avant que le billet ne disparaisse devant l’émoi suscité dans les rangs de l’opposition gabonaise. Selon des informations obtenues par Mediapart (05/12), « le premier président de la Cour de cassation, Bertrand Louvel, ignorait tout de cette visite officielle, ainsi que de la communication qui en a été faite par l’institution qu’il préside. En découvrant la chose, le premier magistrat de France a piqué une colère noire, et a fait retirer toute mention de cet événement ». Mme Mborantsuo est en effet à la tête de la cour constitutionnelle gabonaise depuis 1998, où elle avait été placée par Omar Bongo, dont elle a eu deux enfants. Surnommée « la tour de Pise » au Gabon, parce qu’elle penche toujours du côté du pouvoir, c’est elle qui a validé la dernière « élection » d’Ali Bongo, malgré le caractère surréaliste des chiffres officiels. La visite en France « a donné lieu à de nombreux échanges sur le système de justice gabonais (...). Elle a souligné les convergences entre les architectures judiciaires gabonaise et française » relatait le communiqué éphémère côté français. Et assuré ment une convergence de vue sur une certaine conception de la justice entre Mme Mborantsuo et M. Marin...