Survie

Transparence fiscale : Areva joue au bonneteau

rédigé le 13 avril 2017 (mis en ligne le 20 décembre 2020) - Raphaël Granvaud

Un récent rapport relève les incohérences suspectes dans les chiffres publiés par Areva et le manque à gagner pour le budget public de l’État nigérien.


En 2014, après plusieurs mois de bras de fer, l’État du Niger obtenait d’Areva, à l’occasion du renouvellement de sa concession, qu’elle se conforme enfin au code minier de 2006. Mais les contreparties obtenues par la firme française laissaient sceptiques les ONG Oxfam en France et le ROTAB au Niger (cf. Billets n°236, juin 2014). Un rapport publié le 13 avril par les ONG ONE, Oxfam et Sherpa (« La transparence à l’état brut ») vient confirmer leurs inquiétudes. Une directive européenne obligeant désormais certaines entreprises à déclarer ce qu’elles versent aux Etats, le rapport se penche sur les cas d’Areva, EDF, Engie, Eramet, Maurel & Prom et Total. Premier constat, la transposition française de la directive européenne sur la transparence des industries extractives reste très imparfaite et n’interdit pas un certain flou, voire une certaine opacité.

Passe-passe fiscal

En dépit de cela, les ONG ont pu constater qu’Areva paie finalement moins au Niger après la renégociation de sa convention minière qu’avant, grâce à plusieurs tours de passe-passe. Areva avait obtenu l’alignement du prix d’enlèvement de l’uranium (c’est-à-dire le prix qu’Areva paye à sa filiale nigérienne, donc à elle-même) sur plusieurs prix du marché, dont les prix à court terme, historiquement plus bas que les autres. Or, les pratiques commerciales d’Areva relèvent en réalité du long terme. Areva déclare également une hausse des coûts de production très importante, qui pourrait dissimuler des transferts de bénéfices vers d’autres filiales (logistique, marketing, transport…). Au final, la rentabilité des sociétés minières nigériennes détenues par Areva a ainsi fortement baissé, entraînant à la fois une baisse des montants sur lesquels s’applique la redevance minière mais aussi une baisse du taux de cette redevance : Areva peut continuer à payer 5,5 % des bénéfices de sa filiale, c’est-à-dire le taux le plus bas, comme avant la renégociation de 2014…
Les revenus que l’État du Niger tire de l’uranium ont ainsi chuté de 15 millions d’euros entre 2014 et 2015. A l’inverse, si l’uranium était payé à un prix conforme aux pratiques des autres producteurs, ce sont 30 millions d’euros supplémentaires qui auraient pu alimenter le budget nigérien. Le Niger qui produit 30 % de l’uranium d’Areva ne touche ainsi que 7 % des versements, tandis que le Kazakhstan qui en produit 26 % concentre les trois quarts des paiements d’Areva aux pays producteurs. Cherchez l’erreur !
Raphaël Granvaud

Transparent mais pas limpide

Deux directives européennes (comptable et transparence) de 2013, transposées en droit français fin 2014, obligent les entreprises pétrolières, gazières et minières enregistrées et/ou cotées dans l’UE à publier chaque année les paiements effectués au profit des États dans lesquels elles ont des activités extractives (impôts, redevances, etc.). En 2016, six entreprises françaises ont donc publié pour la première fois ces données, qu’ont analysées One, Oxfam France et Sherpa, en collaboration avec le Basic : Areva, EDF, Engie, Eramet, Maurel & Prom et Total.
Dans leur communiqué du 13 avril, les associations épinglent Areva, mais aussi Total, pour laquelle elles s’étonnent d’un «  écart de plus de 100 millions de dollars entre les revenus déclarés par l’Angola en 2015 et les revenus déclarés par les entreprises, qui opèrent avec Total le plus gros champ pétrolier du pays. [Les ONG] ont passé au crible les chiffres des déclarations et ont essayé de reconstruire le parcours du pétrole extrait par Total en Angola, de sa vente et des revenus générés… Sauf erreur de publication de l’une des parties, deux hypothèses sont possibles : la compagnie pétrolière angolaise aurait pu détourner une partie de ses revenus ou Total aurait appliqué un prix de vente du pétrole inférieur pour ses filiales, parvenant ainsi à réduire sa facture fiscale de 93 millions de dollars en 2015. Un manque à gagner considérable, dans un des pays les plus pauvre au monde ».

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 267 - mai 2017
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