Survie

Humour sélectif : revue de presse

rédigé le 27 juin 2017 (mis en ligne le 23 novembre 2017)

Macron, en sortie le 1er juin en Bretagne, discute de bateaux de pêche avec un marin qui cite entre autres le kwassa-kwassa. Macron, qui connaît tout, rétorque : « C’est à Mayotte les kwassa-kwassas. Mais le kwassa-kwassa pêche peu, il amène du comorien, c’est différent ». Ces propos diffusés à la télé ont suscité une vague de commentaires plutôt gentils, les médias parlant de « plaisanterie », ou tout juste de « blague douteuse ». Le monde politique a été plus sévère. On est allé jusqu’à « choquant », « indigne » , « insensé ». L’Élysée a concédé qu’il s’agissait d’ « un trait d’humour malheureux » mais a parlé de « mauvais procès ».

Seul le président du Conseil représentatif des Français d’origine comorienne, Nassurdine Haidari, a qualifié avec exactitude la saillie du chef de l’État, et a : « condamné avec la plus grande fermeté les déclarations racistes et déshumanisantes du président Macron [...]Nous demandons expressément des excuses publiques du président et qu’il prenne sa responsabilité sur la tragédie qui se déroule sous ses yeux ». Une seule voix s’est élevée à sa suite, celle de Sandra Regol, porte-parole d’Europe Ecologie-Les Verts, qui, dans un tweet qui l’honore, appelle un chat un chat : « Des propos racistes ne sont pas "pas très heureux", ils sont scandaleux. Une "blague" sur la mort de migrants n’en est pas une. » Il faut saluer aussi la tribune, cruelle mais parfaitement adéquate, de Bruno Guigue « Quand Macron ricane des naufragés de la Françafrique ».

Les associations antiracistes, après un certain retard à l’allumage, se sont réveillées, pour certaines, le 5 juin. Le MRAP a dit qu’il n’admettait pas « ce type de plaisanterie », qui avait provoqué des « commentaires racistes sur les réseaux sociaux ». Ah bon ! Les propos du chef de l’État ne méritaient pas, eux, ce qualificatif ? Le CRAN n’a pas non plus osé dire la vérité. Il a parlé d’« une plaisanterie abjecte ». Pourquoi ces précautions ? Parce que prononcer le mot tabou les obligerait à porter plainte contre Macron, dont la plaisanterie ne vaut guère mieux que celle, de fâcheuse mémoire, du parfumeur Guerlain. On est dans le syndrome français, où les gens importants tiennent publiquement des propos racistes, qui ne sont pas racistes. La LICRA et SOS racisme sont eux aux abonnés absents.

Il faut rappeler que la France par son annexion de Mayotte et sa politique d’ingérence dans le reste de l’archipel a profondément déstabilisé les Comores. Elle a créé une situation dramatique en prétendant bunkériser Mayotte, faisant fi de la réalité humaine et géographique. La traversée entre Anjouan et Mayotte, clandestine et nocturne depuis l’instauration du « visa Balladur » en 1993, a fait au moins mille morts chaque année dans les naufrages des kwassas surchargés. Cela ne prête à rire. Macron s’est montré tel qu’il est, inconscient, méprisant et frivole s’agissant des populations colonisées, par un racisme quasi structurel dans les « élites » françaises.
Le soir du 3 juin un attentat a frappé Londres faisant six morts, dans le cadre de la guerre faite par l’OTAN au Moyen Orient, Macron a trouvé « abominable » cette « tragédie ». Alors, plus d’humour ?

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 268 - juin 2017
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