Survie

La suite de l’engagement

rédigé le 7 août 2017 (mis en ligne le 23 novembre 2017) - Thomas Noirot

Le mois de juin nous a apporté de nouveaux députés et de nouvelles révélations sur la complicité de l’exécutif français, vingt­-trois ans plus tôt, dans le dernier génocide du XXe siècle. Les premiers s’empareront­-ils des dernières ? Rien n’est hélas moins sûr.

Alors que l’on s’apprête à supprimer - ­enfin !­- la Cour de justice de la République, instance permettant aux responsables politiques de se juger entre pairs et de s’offrir une impunité devenue publiquement intolérable, personne n’est choqué par l’article 67 de notre Constitution, qui depuis la révision constitutionnelle de février 2007, précise que le président « n’est pas responsable des actes accomplis en cette qualité ».

Cet héritage chiraquien est clair : le soutien d’un président français à un régime criminel ne constituant pas un « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ». Pourquoi changer, alors ? Pas de raison de cesser de soutenir des criminels comme le Tchadien Idriss Déby, reçu à l’Élysée, ou le Congolais Sassou Nguesso, qui a organisé « ses » élections législatives en juillet, y compris militairement : aucun crime qui relève de la « fonction » du chef de l’État ne peut être poursuivi, même après la fin de son mandat.

Au Rwanda, c’est bien ce que l’Élysée a fait : « la suite de l’engagement d’avant », comme l’a expliqué Hubert Védrine en 2014 à des députés. La vidéo de son audition, remise au goût du jour fin juin par l’actualité médiatique et judiciaire sur les complicités françaises dans le génocide de 1994, a disparu du site web de l’Assemblée nationale vers le 8 juillet. Simple « mise à jour automatique », nous a assuré un ancien porte­-parole du ministère de la Justice, lorsque Survie s’en est étonnée sur les réseaux sociaux. Mais dès le 9 juillet, la vidéo était à nouveau disponible : énième tentative de gommer des propos gênants ­car trop francs­ de Védrine, après la « correction » opportune du compte­-rendu de l’audition ?

Au sujet de sa politique africaine, Emmanuel Macron aussi pourrait parler de « la suite de l’engagement d’avant » : on passe la main dans le dos du dictateur tchadien sur le perron de l’Elysée, on impulse une « force africaine » qu’on chaperonne sans même se cacher, et on prétend philosopher à coups de considérations racistes sur les « fléaux » qui ravagent le continent.

L’un des fléaux qui minent notre politique étrangère est le manque de contre­-pouvoir, en parti­culier de contrôle parlementaire. Que nous promet la vague macroniste qui a déferlé sur l’Assemblée natio­nale ? La suite, on peut le craindre, des auditions complaisantes de responsables politiques et militaires qui flattent l’égo collectif d’un fantasme de « grandeur de la France », tandis que le président peut être com­plice de tous les crimes, en toute impunité.

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