Survie

Le « parfait exemple »

rédigé le 8 septembre 2017 (mis en ligne le 29 septembre 2017) - Marie Bazin

Le 28 août dernier, Emmanuel Macron a invité à
Paris ses collègues allemand, italien, espagnol,
libyen, tchadien et nigérien pour parler du « défi
majeur
 » que constituent la migration et l’asile,
autrement dit pour échafauder des stratégies visant à
repousser toujours plus loin le contrôle des flux
migratoires en provenance d’Afrique. Lors de ce mini­
sommet, Macron a défendu sa proposition visant à
faire examiner les demandes d’asile directement au
Niger et au Tchad, pour épargner aux migrants le trajet
dangereux jusqu’en Europe, ou plutôt pour s’épargner
la présence des indésirables sur
le sol européen.
« Ce qui a été fait entre la
Libye et l’Italie ces derniers
temps est un parfait exemple de
ce vers quoi nous souhaitons
tendre
 » a affirmé Macron à cette
occasion. Depuis plusieurs mois
l’Italie collabore avec nombre d’acteurs libyens pour
faire cesser à tout prix les départs de bateaux de
migrants : soutien et formation des gardes­-côtes
libyens alors même que certains de leurs membres
participent aux trafics, allégations de négociations
directes avec les réseaux de passeurs, complaisance à
l’égard des milices qui interceptent et enferment les
migrants candidats au départ. Pendant ce temps­-là
l’Union européenne a versé 200 millions d’euros aux
autorités libyennes pour le contrôle de leurs
frontières, notamment par la formation et
l’équipement des gardes­-côtes malgré des pratiques
critiquées. Que l’argent soit extorqué aux migrants ou
capté sur la manne financière européenne, les flux
migratoires sont un business juteux en Libye.
C’est de cet exemple dont Emmanuel Macron
prétend vouloir s’inspirer. Quelle ambition ! Nul
besoin d’inspiration puisque la recette est bien connue
de l’exécutif français : soutien aux dictatures,
formation de leurs services de police et de sécurité,
collusion avec des groupes armés, robinet grand
ouvert de « l’aide au développement » pour arroser les
uns et les autres. Les bonnes vieilles méthodes
françafricaines n’ont hélas rien à envier aux pratiques
italiennes.
La présence du Niger et du Tchad à la table des
discussions en est la preuve. L’un opérant un
durcissement sécuritaire et l’autre étant une dictature
reconnue, tous deux soutenus politiquement et
militairement par la France, qui pour croire encore
que les participants à ce mini­-sommet ont le souci de
la vie et la sécurité des migrants ? Comment imaginer
que ces pays soient des lieux
sûrs et adéquats pour l’examen
de demandes d’asile ? Les
Tchadiens et Nigériens qui
voient leurs droits bafoués, leur
vie menacée, pourront­-ils eux­
mêmes fuir leur pays ?
Mais il est inutile de
chercher bonne foi ou cohérence dans ces projets, si
ce n’est la cohérence d’une politique néocoloniale
dont les haut dignitaires voudraient par dessus le
marché que leurs victimes restent bien sagement dans
leurs prisons à ciel ouvert. Cela ne sera jamais le cas,
tant la détermination et le courage des personnes qui
émigrent vers l’Europe sont grands, mais les politiques
de plus en plus répressives ont pour effet certain de
leur faire emprunter des routes toujours plus
dangereuses et mortifères, et toujours plus lucratives
pour les trafiquants. Depuis plusieurs semaines,
conséquence probable des nombreux obstacles au
départ de Libye, une nouvelle route s’organise pour
traverser du Maroc à l’Espagne, à l’ouest du détroit de
Gibraltar, une zone où la navigation est dense et
complexe. Un « parfait exemple » de nouveaux drames
en préparation.

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 270 - septembre 2017
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