Survie

Irréductibles sahraouies, femmes et hommes en résistance

rédigé le 20 novembre 2017 (mis en ligne le 7 février 2018) - Laurence Dawidowicz

De Michèle DECASTER – éditions La Grange (2017) – Faire sortir de l’ombre la résistance à l’occupation marocaine au Sahara Occidental ; c’est l’objectif de ce livre écrit par la militante de l’AFASPA (Association française d’Amitié et de solidarité avec les Peuples d’Afrique), fervent soutien de la cause sahraouie depuis la fin des années 80.

Ce recueil de témoignages s’est construit au fil de ses voyages dans les territoires occupés du Sahara Occidental et dans les camps de réfugiés en Algérie, entre 2002 et 2014, date à laquelle Mohamed VI a fait interdire l’entrée sur le territoire marocain aux observateurs indépendants, professionnels et militants.

En 2002, lors du premier voyage de Michèle Decaster, les défenseurs des droits de l’Homme lui organisèrent un véritable circuit de la répression coloniale : rencontre avec des militantes et militants arrêté-es et détenu-es sans jugement, sans contact avec le monde extérieur….juste disparu-e-s. Devant l’absence de réponse des autorités marocaines, le comité des familles des disparus s’est organisé dès 1999 pour élucider les centaines de cas non résolus. Le livre présente des syndicalistes sahraouis, qui ont du créer leur propre section du fait du refus des syndicats marocains de porter les revendications spécifiques des sahraouis. Les pages concernant le phosphate et la pêche rappellent que cette manne financière n’est pas marocaine - les lecteurs de Billets d’Afrique qui suivent les mobilisations de la plateforme de solidarité avec le peuple sahraoui, auxquelles s’associe l’association Survie, se souviendront des communiqués s’opposant à l’exploitation par le Maroc des richesses du Sahara Occidental, ou dénonçant les traités commerciaux entre le Maroc et l’Europe.

Les 62 témoignages retenus ici ne sont pas anonymes. Ils font état de condition de détention infâmes, de tortures ; les noms des tortionnaires sont cités, ils sont encore souvent en poste voir promus. Ce ne sont pas des actes individuels mais bien les acteurs obéissants d’un système d’État qui sont ici dénoncés.

Michèle Decaster partage aussi les actes de solidarités qui permettent aux militants sahraouis de surmonter les épreuves qu’ils connaissent tous un jour ou l’autre : accueil chaleureux, espoirs de solidarités internationales et certitude de la présence de mouchards et membres des services marocains….

Le préambule comporte également une partie historique qui remet en mémoire la colonisation de peuplement (la fameuse « marche verte » de 1975 qui déplaça dans cette région 350 000 civils),organisée sous Hassan II pour noyer le vote sahraoui en cas de referendum d’autodétermination, celui, fameux referendum, qui fut promis par l’ONU dans sa résolution 1514 de 1961. Mais aussi l’Intifada pacifique à partir de 2005, alors qu’on n’évoque souvent que la lutte armée qui opposa l’armée populaire de libération sahraoui aux forces armées d’abord espagnoles puis marocaines (18 années de conflit armé suivies de 26 ans de cessez-le-feu) et la construction du mur de 2700 km qui divise le Sahara occidental du Nord-est au Sud-ouest .

Face à la répression, il s’agit bien ici de faire connaitre la résistance d’un peuple rebelle à toute domination, dont les jeunes reprennent la lutte pacifique en la diversifiant, s’appuyant sur la solidarité internationale comme l’a montré le dernier colloque Eucoco choisit comme date de parution de ce livre.

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 272 - novembre 2017
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