Survie

Sahara occidental : « j’ai subi la torture et la France est coupable aussi »

rédigé le 15 janvier 2018 (mis en ligne le 26 juin 2018) - Ghalia Djimi, Laurence Dawidowicz

A l’occasion de la 42ème conférence européenne de coordination du soutien au peuple sahraoui (dit Forum EUCOCO), fin octobre à Vitry sur Seine, nous avons rencontré Ghalia Djimi, vice-présidente de l’ASVDH, Association Sahraouie des Victimes des Violations Graves des Droits de l’Homme Commises par l’Etat Marocain. A 56 ans, elle se présente comme « ex-disparue, une survivante de la disparition forcée », qui vient des territoires occupés du Sahara occidental – plus précisément de Layoun. Entretien.

Billets : Pourquoi venir au Forum Eucoco ?

C’est la coordination des associations solidaires au niveau européen qui, une fois par an depuis sa création, a accompagné la proclamation de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) en 1976, et qui accompagne le peuple sahraoui, son Etat en exil pour défendre, pour aider à la formation, aider au niveau sanitaire, humanitaire, dans tous les domaines. Pour ma participation, depuis que je suis défenseur des droits de l’Homme dans les territoires occupés, il y a toujours eu un atelier sur les droits de l’Homme. Là, on peut étudier avec nos amis solidaires européens quelles sont les perspectives qui vont renforcer et promouvoir les droits de l’Homme et notre capacité en général. C’est organiser la lutte à un niveau international, entre les Sahraouis et les associations européennes solidaires.

Peut-on dire que la France soutient régulièrement le Maroc dans ses exactions contre les défenseurs des droits humains ?

Malheureusement, c’est la réalité. La France est le grand soutien du gouvernement marocain dans son occupation du Sahara occidental. Et il faut savoir que les territoires non-autonomes du Sahara occidental sont occupés par la force marocaine et tant que le Maroc est une force occupante protégée par la France, tous les crimes qu’a commis le Maroc au Sahara occidental sont considérés comme des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre parce que c’est une force occupante, et ce n’est pas acceptable, ni raisonnable, ni logique, que la France qui est le berceau des droits de l’Homme, de la liberté, soutienne un Etat qui commet des crimes de guerre dans un territoire occupé.

Je suis motivée cette fois-ci, j’ai beaucoup d’espoir parce que j’ai rencontré beaucoup de juristes, des jeunes Français qui commencent à comprendre le conflit, parce qu’avant, personne ne savait de quoi il s’agissait, ni la gravité des crimes de guerre qu’a commis le Maroc, du début de l’invasion jusqu’à aujourd’hui. Il faut que la société civile française agisse, elle ne doit pas accepter que son gouvernement protège un pays occupant qui commet des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre à l’encontre d’un peuple pacifique et désarmé dans un territoire occupé, et qui éloigne la moitié de la population dans un exil forcé.

Pour vous donner seulement un exemple concret : moi qui étais victime de la disparition forcée, j’ai expliqué que nous sommes dans un territoire occupé par la force du Maroc, le crime que j’ai subi dans ma chair est un crime de guerre, j’ai subi la torture et la France est coupable aussi.

Vous voulez dire complice ?

Non, on peut dire coupable, parce que la France protège les responsables marocains. Nous, en tant que défenseurs des droits de l’Homme, quand on revendique l’élargissement du mandat de la MINURSO [mission des Nations unies] à la surveillance des droits humains afin de protéger les populations civiles sahraouies, c’est toujours la France qui s’oppose à cet élargissement. Donc j’en appelle solennellement à la société civile française, il faut qu’elle soit au courant de ces crimes contre l’humanité et qu’elle fasse pression sur son gouvernement pour qu’il stoppe le Maroc. Ça, c’est pour les droits de l’homme, mais on peut parler aussi du droit économique et du pillage des ressources naturelles du peuple sahraoui, au moment où la majorité d’entre nous est pauvre. Ceux qui revendiquent chaque jour le droit au travail sont soumis à la torture, à des maltraitances, dans les rues de Layoun et de Smara au moment où nos richesses sont pillées par le Maroc et ses alliés. Donc il ne faut pas accepter tout ça. Ça suffit largement, 42 ans d’oubli absolu : il faut que la société civile réagisse.

Propos recueillis par Laurence Dawidowicz

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