L’album de bande dessinée « Tintin au Congo »
est-il raciste ? La question peut surprendre, tant
sa réponse est évidente. Mais il se trouve
toujours des défenseurs du célèbre dessinateur belge
Hergé pour rappeler qu’il faut resituer cela dans le
contexte de l’époque : entre 1930 et 1931, période de
la publication par feuilleton des aventures africaines
de ce jeune reporter sympathique, dynamique et
culotté, on est prié de croire que tout le monde était
« plus ou moins » raciste et qu’un auteur ne pouvait
que reproduire les travers de son temps. Trois ans
plus tôt, André Gide avait certes
publié un fort différent récit de
son « voyage au Congo », mais on
a tôt fait de nous expliquer qu’il
serait malvenu de juger Tintin à
l’aune d’une telle exception –
cette dernière ne serait en
somme que la confirmation de la
terrible règle, celle de l’imbécillité criminelle
généralisée.
En 2017, un président de la République française
peut à son tour reproduire les travers de son temps,
sans risquer d’être rattrapé par la critique pendant 15
ou 20 ans. Un président venu en ami à Ouagadougou,
pour offrir son point de vue à la jeunesse africaine
tout en cherchant à ne pas passer pour un donneur
de leçons, pour citer Gide et surtout pas Hergé. Le
brave Tintin expliquait au nègre fainéant que Milou
avait plus de courage et de volonté que lui ? Pas le
président du XXIème siècle ; lui se contente
d’expliquer que les passeurs sont africains, tout
comme les conservateurs de musées qui ont organisé
le trafic d’oeuvres d’art, et que les Burkinabè doivent
« une seule chose » aux militaires français, les
applaudir. Et puis, il est bien entouré : un Conseil
Présidentiel pour l’Afrique – pas « sur » l’Afrique, ni
« au sujet de » l’Afrique, mais « pour » elle,
évidemment sans prétention paternaliste. D’ailleurs,
s’il rit à gorge déployée de sa bonne blague lâchée au
détriment de son homologue du Faso, c’est justement
parce qu’il n’est pas paternaliste. On est prié d’y
croire, et cela fonctionne : tel le lectorat dépourvu
d’esprit critique des années 1930, la plupart des
commentateurs modernes de la géopolitique franco
africaine s’empressent d’applaudir, n’opposant
qu’une incrédule incompréhension aux esprits chagrins qui
désespèrent d’entendre encore
une fois un discours de politique
française en Afrique tellement
empreint d’une condescendance
non assumée.
L’intervention
professorale
d’Emmanuel Macron au Burkina est-elle raciste ? La
question peut surprendre, tant sa réponse est hélas
évidente à toutes celles et ceux qui ont célébré son
show ouagalais dans leurs colonnes et sur leur
plateau. Trois ans avant le voyage de ce jeune
président sympathique, dynamique et culotté, des
milliers de Burkinabè avaient pourtant, plus
efficacement que n’importe quel André Gide, écrit par
leur insurrection la façon dont ils souhaitaient
désormais qu’on lise leur histoire. Emmanuel Macron
y a opposé une prose caricaturale, le récit fantasque
d’une France désormais dépourvue de velléités
d’ingérence et se positionnant au côté des
démocrates. Encore une mauvaise histoire pour enfants..