Bachir Saleh, ancien directeur de cabinet de Kadhafi, est tombé dans un véritable guet-apens le 23 février en rentrant chez lui à Johannesburg, en Afrique du Sud : les coups de feu qui le visaient depuis « deux endroits différents » selon un témoignage (Mediapart, 27/02) l’ont laissé gravement blessé, mais vivant.
Comme l’a commenté avec ironie le journaliste Laurent Léger sur Twitter, « l’ex-ministre du pétrole de Kadhafi repêché dans un fleuve, un autre ancien dignitaire du régime mort d’une crise de diabète, et maintenant Bachir Saleh, ex-dircab du Guide, qui se fait tirer dessus : la malédiction des proches de Kadhafi ! ». Cette « malédiction » interpelle évidemment les juges français qui enquêtent sur les accusations de financement libyen de la droite française.
Saleh avait refusé de répondre aux questions des juges en 2017, mais des proches affirment qu’il envisageait désormais de coopérer avec la justice, ce qui lui aurait récemment valu des menaces de mort. Espérons que cette tentative d’assassinat donnera envie à Saleh de tout déballer. Selon le journaliste Karl Laske, auteur d’un ouvrage avec Fabrice Arfi sur le financement libyen de la campagne de Sarkozy de 2007, les juges ont beaucoup de questions à lui poser sur ses liens avec le sulfureux Alexandre Djouhri, arrêté en janvier à Londres (cf. Billets n°274, février 2018), qui avait entre autres organisé son exfiltration vers Paris à la chute du régime libyen, puis son départ vers l’Afrique du Sud en 2012 (Le Monde, 10/01). Mediapart (27/02) explique par exemple que « l’intermédiaire proche de Nicolas Sarkozy a (...) orchestré avec lui la vente d’un bien immobilier, une villa à Mougins, à un fonds souverain libyen, le Libyan African Portfolio (LAP) présidé par Saleh. Cette vente pour 10 millions d’euros – d’une villa qui en valait 1,8 – a permis à Alexandre Djouhri d’orienter des fonds libyens vers Claude Guéant et Dominique de Villepin – 500 000 euros sont allés rembourser le cash versé pour l’appartement de Guéant en 2008, et 489 143 euros ont atterri sur les comptes de la société Villepin international en octobre 2009. »
Bachir Saleh a bénéficié des faveurs de Djouhri pendant des années, une période pendant laquelle il a plutôt démenti auprès des journalistes les accusations de financement libyen de la campagne. Mais en déclarant dans Le Monde (29/9/17), qu’il croyait à ce sujet « plus Kadhafi que Sarkozy », il a dévié de sa ligne.
On attend la suite, avant une nouvelle mort suspecte ! Car comme le rappelle Mediapart (27/02), « un carnet manuscrit ayant appartenu à Choukri Ghanem, ancien premier ministre et ministre du pétrole libyen retrouvé mort noyé dans le Danube [en avril 2012] consigne plusieurs remises de fonds opérées par des dignitaires libyens à l’équipe Sarkozy. » Quant à l’ancien dignitaire libyen officiellement mort d’une crise de diabète en 2012, il prétendait alors avoir retrouvé des enregistrements des rendez-vous de Kadhafi avec ses hôtes, que Bachir Saleh aurait réalisés clandestinement, et il cherchait à « négocier les cassettes, dont l’une avait été authentifiée par les services secrets français ».